Le marché parallèle de la devise en Algérie connaît un début d’année marqué par des fluctuations importantes. Après une baisse significative en décembre dernier, l’euro et le dollar amorcent une remontée, frôlant leurs sommets face au dinar algérien. Au Square Port-Saïd d’Alger, un billet de 100 € s’échange désormais contre 25 500 DA, rapprochant l’euro de son record historique de 262 dinars atteint en 2024.
Cette dynamique s’explique par des facteurs internes et externes, notamment les nouvelles mesures du gouvernement sur l’allocation touristique et le plafonnement des devises à l’exportation. Ce contexte nourrit les spéculations et maintient une demande élevée sur le marché noir, rendant la situation complexe à stabiliser.
Une reprise progressive après une chute brutale
Le retour en force de l’euro et du dollar
En décembre 2024, l’euro et le dollar ont connu une chute marquée sur le marché noir algérien. L’euro est passé de son record de 262 dinars à environ 240 dinars, tandis que le dollar est descendu à 235 dinars après avoir atteint 248 dinars. Cependant, cette baisse n’a pas duré. Depuis début janvier 2025, ces devises repartent à la hausse, soutenues par une demande croissante et un regain d’intérêt des cambistes.
Ce mardi 21 janvier, un euro s’échange contre 255 dinars au Square Port-Saïd, en progression de 13 dinars par rapport à fin décembre. Le dollar, bien qu’en légère baisse à 247 dinars, reste proche de son sommet de 248 dinars atteint le 9 décembre dernier.
Un marché influencé par les décisions gouvernementales
Cette remontée coïncide avec plusieurs décisions du gouvernement algérien. L’augmentation de l’allocation touristique, permettant aux citoyens de bénéficier de davantage de devises pour leurs déplacements, a entraîné une hausse de la demande en euros et en dollars.
Par ailleurs, le plafonnement des devises à l’exportation à 7 500 € par an a également impacté le comportement des acteurs du marché parallèle. Ces mesures, bien qu’annoncées pour renforcer la régulation, alimentent parfois des réactions imprévues sur le marché noir.
L’écart entre le marché noir et le taux officiel
Une différence frappante entre les deux marchés
Sur le marché officiel, la situation est bien différente. La Banque d’Algérie affiche des taux officiels stables, avec un euro s’échangeant à environ 140,44 dinars pour la vente et un dollar à 135,30 dinars. Cet écart important entre le marché noir et le marché interbancaire reflète les tensions structurelles dans la gestion des devises en Algérie.
Cet écart, souvent supérieur à 100 dinars par unité monétaire, témoigne d’une demande insatisfaite sur le marché officiel. De nombreux citoyens et entreprises se tournent alors vers le marché parallèle pour répondre à leurs besoins en devises, exacerbant la pression sur les cours du Square Port-Saïd.
Un cercle vicieux difficile à briser
L’écart entre les deux taux renforce la spéculation sur le marché noir. Les cambistes, anticipant de futures hausses, stockent des devises pour les revendre à des prix encore plus élevés. Cette dynamique rend la situation encore plus difficile à réguler pour les autorités monétaires.
Les facteurs saisonniers et conjoncturels
Le mois sacré de Ramadan et les pèlerinages religieux
La demande en devises connaît traditionnellement une hausse à l’approche du mois sacré de Ramadan. De nombreux Algériens profitent de cette période pour effectuer une Omra (petit pèlerinage) en Arabie saoudite, nécessitant des euros ou des dollars pour leurs dépenses.
Cette tendance saisonnière, combinée à la stabilité limitée du marché, accentue la pression sur les devises. Les cambistes anticipent ces périodes de forte demande et ajustent leurs prix en conséquence.
Un contexte économique mondial incertain
L’évolution de l’euro et du dollar est également influencée par des facteurs externes. La reprise économique mondiale, les politiques monétaires des banques centrales comme la BCE (Banque centrale européenne) et la Fed (Réserve fédérale américaine), ainsi que les tensions géopolitiques, jouent un rôle dans la fluctuation des devises.
En Algérie, ces éléments s’ajoutent à une économie fortement dépendante des hydrocarbures, rendant le dinar vulnérable aux chocs externes.
Les implications économiques pour les Algériens
Un pouvoir d’achat sous pression
La hausse de l’euro et du dollar sur le marché noir a des répercussions directes sur le pouvoir d’achat des Algériens. Les importations, bien que régulées, restent essentielles pour de nombreux secteurs. La hausse des devises augmente les coûts pour les entreprises et, inévitablement, les prix pour les consommateurs.
De plus, les ménages qui dépendent des devises pour financer des études, des voyages ou des soins médicaux à l’étranger se retrouvent face à des dépenses beaucoup plus importantes.
Un impact sur les entreprises
Les entreprises algériennes qui importent des biens ou des matières premières ressentent également les effets de cette situation. L’écart entre les taux du marché officiel et du marché noir augmente leurs coûts, rendant difficile la compétitivité sur le marché local et international.
Certaines sociétés doivent alors réduire leurs activités ou augmenter leurs prix, ce qui aggrave la pression sur les consommateurs et freine la croissance économique.
Les défis pour les autorités algériennes
Une régulation encore insuffisante
Malgré les efforts pour renforcer la régulation, le marché noir reste dominant en Algérie. L’augmentation de l’allocation touristique ou le plafonnement des devises à l’exportation sont des mesures ponctuelles qui ne s’attaquent pas aux causes structurelles du problème.
Pour réduire la dépendance au marché parallèle, les autorités doivent envisager des réformes profondes. Cela inclut la libéralisation progressive du marché des changes et l’augmentation de l’offre de devises sur le marché officiel.
La nécessité d’une diversification économique
L’Algérie, encore largement tributaire des recettes pétrolières, doit accélérer la diversification de son économie. Une base économique plus large permettrait de réduire la pression sur le dinar et d’atténuer les effets des fluctuations des devises étrangères.
Les investissements dans des secteurs comme l’agriculture, l’industrie et les technologies pourraient également stimuler la croissance et réduire la dépendance aux importations.
vers une stabilisation du marché ?
La remontée de l’euro et du dollar sur le marché noir algérien en ce début d’année 2025 reflète des tensions structurelles persistantes. Bien que le gouvernement ait pris des mesures pour renforcer la régulation, elles restent insuffisantes pour endiguer la spéculation et équilibrer les deux marchés.
Pour les citoyens et les entreprises, cette situation crée des défis économiques importants, allant de l’érosion du pouvoir d’achat à l’augmentation des coûts des biens et services. Les solutions à long terme nécessitent des réformes audacieuses et une meilleure gestion des ressources monétaires.
L’Algérie se trouve à un carrefour. Avec une approche stratégique et des réformes structurelles, le pays peut aspirer à stabiliser son marché des devises et réduire les disparités qui pèsent sur son économie.