L’Algérie et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) intensifient leur dialogue stratégique. Le général d’armée Saïd Chanegriha, chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), a reçu, mardi, une délégation de l’OTAN conduite par Javier Colomina, secrétaire général adjoint délégué pour les affaires politiques et la politique sécuritaire de l’Alliance.
Si cette rencontre témoigne d’une volonté d’échange en matière de sécurité régionale, elle s’inscrit dans un contexte marqué par une montée des tensions en Méditerranée et en Afrique du Nord. Enjeu majeur : la position de l’Algérie face aux nouvelles orientations stratégiques de l’OTAN et la consolidation de son rôle de puissance régionale indépendante.
Une coopération militaire sous contrôle
Le Dialogue Méditerranéen, un cadre de concertation privilégié
Depuis son adhésion au Dialogue Méditerranéen en 2000, l’Algérie s’est imposée comme un partenaire clé dans la lutte contre le terrorisme et la stabilisation régionale. Pour l’OTAN, la coopération avec Alger est devenue incontournable, notamment face aux menaces transnationales et aux crises en Afrique subsaharienne.
Lors de cette rencontre au siège de l’état-major de l’ANP, le général Saïd Chanegriha a rappelé que cette coopération a permis d’établir « un partenariat solide et fructueux » reposant sur le partage d’informations, l’échange d’expériences et la formation militaire.
Cependant, Alger a toujours tenu à préserver son indépendance stratégique, évitant toute alliance militaire contraignante avec l’OTAN, à l’inverse d’autres pays voisins comme le Maroc et la Tunisie, qui ont renforcé leur alignement avec l’Alliance.
Un nouveau Programme de Partenariat en discussion
Le chef d’état-major a évoqué l’adoption prochaine d’un Programme de Partenariat Individuel qui pourrait ouvrir de nouvelles perspectives en matière de coopération. Ce programme, actuellement en cours d’examen, vise à renforcer l’échange de formations militaires et le développement de capacités défensives spécifiques.
Pour Alger, il s’agit avant tout de fixer les limites de cette coopération, en évitant tout engagement militaire qui pourrait être perçu comme une remise en cause de sa doctrine de non-alignement.
L’Algérie, un acteur clé de la sécurité régionale
Un rôle central en Afrique du Nord et au Sahel
L’Algérie est un acteur de poids dans la sécurité du Maghreb et du Sahel, une région fragilisée par l’instabilité politique, les insurrections terroristes et la pression migratoire. Son armée, considérée comme l’une des plus puissantes d’Afrique, joue un rôle déterminant dans le contrôle des frontières et la lutte contre les groupes terroristes.
Javier Colomina, chef de la délégation de l’OTAN, a salué « les efforts et le rôle axial de l’Algérie dans le domaine du maintien de la sécurité et de la stabilité de la région », soulignant son importance dans le combat contre les groupes armés actifs au Sahel.
Un équilibre délicat entre l’OTAN et ses autres alliés
L’Algérie entretient des relations complexes avec l’OTAN. D’un côté, elle engage un dialogue actif avec l’Alliance sur des questions de sécurité régionales. De l’autre, elle maintient des liens stratégiques avec d’autres puissances militaires mondiales, notamment la Russie et la Chine, qui sont ses principaux fournisseurs d’armes.
Cette double posture permet à Alger de préserver sa souveraineté militaire et d’éviter toute dépendance à l’égard d’un seul bloc. Une politique qui lui confère une marge de manœuvre diplomatique dans un contexte international polarisé.
Des enjeux géopolitiques majeurs pour l’Algérie
L’OTAN et le Plan d’Action du Voisinage Méridional
L’OTAN a récemment adopté, lors de son sommet de Washington en juillet 2024, le Plan d’Action du Voisinage Méridional, un dispositif visant à renforcer l’engagement de l’Alliance en Méditerranée et en Afrique du Nord.
Ce plan, que Javier Colomina est chargé de coordonner, inclut des mesures de soutien aux armées locales, un renforcement des capacités de défense maritime et une coopération accrue sur les nouvelles menaces, notamment cybernétiques.
Si l’Algérie se montre prudente face à ce programme, elle reconnaît l’importance d’un dialogue avec l’OTAN pour éviter toute ingérence étrangère dans son voisinage immédiat, en particulier en Libye, au Mali et au Niger.
Un positionnement stratégique face aux tensions internationales
Dans un monde marqué par de nouvelles tensions géopolitiques, l’Algérie doit jongler entre plusieurs pôles d’influence. Face à la montée en puissance des États-Unis, de la Russie et de la Chine, l’OTAN cherche à renforcer ses liens avec des partenaires stratégiques en Afrique du Nord.
Pour Alger, la priorité reste la préservation de sa souveraineté et le maintien d’une politique étrangère équilibrée. Cette visite de l’OTAN intervient alors que l’Algérie renforce ses relations militaires avec la Russie, tout en multipliant les partenariats économiques avec l’Europe et la Chine.
Une coopération sous haute surveillance
La visite de la délégation de l’OTAN en Algérie s’inscrit dans un cadre de coopération bien établi, mais non sans enjeux stratégiques majeurs. Alger accepte d’approfondir le dialogue militaire, notamment via le Programme de Partenariat Individuel, mais reste vigilante quant à toute tentative d’influence qui pourrait remettre en cause son indépendance.
Dans un monde où les rapports de force évoluent rapidement, l’Algérie entend tirer profit de ses relations avec l’OTAN, tout en conservant une position non-alignée, fidèle à sa doctrine historique. Un équilibre délicat à maintenir, mais qui lui permet d’affirmer son statut de puissance régionale incontournable.