Face aux exigences sécuritaires renforcées par les États-Unis, l’Algérie envisage d’installer des scanners corporels dans ses aéroports. Cette mesure, conséquence directe de l’affaire du jeune Nigérian ayant tenté un attentat le jour de Noël, a suscité une vive controverse. Classée parmi les « pays à risque » par Washington, l’Algérie doit désormais faire face à des pressions internationales tout en gérant une opinion publique indignée par ce qu’elle perçoit comme une atteinte à sa souveraineté. Retour sur les enjeux sécuritaires, diplomatiques et politiques de cette décision.
Contexte international : une sécurité aérienne sous haute tension
Le 25 décembre, une tentative d’attentat contre un avion de ligne américain par un ressortissant nigérian a relancé le débat sur la sécurité aérienne mondiale. Les États-Unis, suivis par plusieurs pays occidentaux, ont immédiatement renforcé leurs mesures de contrôle dans les aéroports, ciblant particulièrement les passagers provenant de 14 pays jugés « à risque », dont l’Algérie.
Ces nouvelles directives incluent des palpations corporelles systématiques et des fouilles approfondies des bagages à main pour les voyageurs issus de ces nations. Bien que présentées comme des mesures de prévention, elles ont été perçues par plusieurs pays concernés comme stigmatisantes et discriminatoires.
Une réaction ferme de l’Algérie face à la stigmatisation
En Algérie, la réaction ne s’est pas fait attendre. Farouk Ksentini, président de la Commission consultative nationale de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH), a dénoncé une décision « injuste et non justifiée », qualifiant ces mesures de discriminatoires à l’égard de l’Algérie.
Le ministre de l’Intérieur, Yazid Zerhouni, a même évoqué la possibilité de mettre en place des mesures de réciprocité, déclarant que si les contrôles discriminatoires persistaient, Alger se verrait dans l’obligation de répondre de manière équivalente aux ressortissants américains.
Quant au ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui aurait lui-même été soumis à un contrôle jugé humiliant à Washington lors d’une visite officielle, il a qualifié ces pratiques d’inacceptables, renforçant ainsi la position algérienne face à ces directives.
L’installation des scanners corporels : une solution controversée
Pour apaiser les tensions, l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) a proposé une solution qui pourrait satisfaire à la fois Washington et les pays concernés, dont l’Algérie et l’Arabie Saoudite. Lors d’une réunion à Genève, Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, a suggéré que l’installation de scanners corporels dans les aéroports d’Alger et de Riyad pourrait être perçue comme un signe de coopération dans la lutte contre le terrorisme.
Les scanners corporels, bien que controversés, offrent une solution technologique pour renforcer la sécurité sans recourir à des palpations corporelles jugées intrusives. Cependant, leur coût élevé et les débats sur leur efficacité réelle posent question. De plus, pour l’Algérie, ce geste pourrait être interprété comme une capitulation face aux pressions internationales.
Défis techniques et coûts des scanners corporels
L’installation de scanners corporels dans les aéroports algériens soulève plusieurs défis. Tout d’abord, le coût d’acquisition et d’entretien de ces équipements est élevé. Pour un pays comme l’Algérie, qui fait face à des contraintes budgétaires croissantes dues à la baisse des revenus pétroliers, cet investissement pourrait peser lourdement sur les finances publiques.
Ensuite, l’utilisation de ces scanners nécessite une formation spécifique pour le personnel de sécurité. Cela implique des coûts supplémentaires et un temps d’adaptation non négligeable. De plus, leur efficacité a souvent été remise en question, certains experts estimant qu’ils ne garantissent pas une sécurité optimale, notamment face à des menaces non métalliques.
Un enjeu diplomatique majeur pour l’Algérie
Sur le plan diplomatique, l’Algérie espère que l’installation de scanners corporels sera perçue par les États-Unis comme un signe de bonne volonté, ouvrant la voie à un retrait de la « liste noire » des pays à risque. Cependant, cette démarche pourrait également être interprétée comme une soumission aux injonctions occidentales, ce qui risque de ternir l’image de souveraineté que le pays souhaite préserver.
En coopérant avec Washington, Alger cherche également à maintenir de bonnes relations bilatérales, notamment dans le domaine de la lutte contre le terrorisme. Toutefois, cette coopération doit être équilibrée pour éviter de donner l’impression que l’Algérie cède à des pressions discriminatoires.
La question des libertés individuelles
L’installation de scanners corporels pose également des questions éthiques, notamment en matière de respect de la vie privée. Ces appareils, qui permettent de voir à travers les vêtements, ont été critiqués pour leur caractère intrusif. Bien que des technologies plus respectueuses de l’intimité aient été développées, leur adoption reste coûteuse.
En Algérie, où la question de la vie privée est particulièrement sensible, l’utilisation de ces dispositifs pourrait susciter des résistances, tant de la part des citoyens que des organisations de défense des droits de l’homme.
Une solution à court terme ou un pas vers une stratégie globale ?
Si l’installation de scanners corporels peut apaiser temporairement les tensions avec les États-Unis, elle ne constitue pas une solution à long terme pour les enjeux de sécurité aérienne. L’Algérie devra renforcer ses capacités de renseignement et de prévention en amont, en investissant dans des technologies de surveillance et en intensifiant la coopération avec ses partenaires régionaux et internationaux.
Par ailleurs, le pays devra travailler à améliorer son image sur la scène internationale. La stigmatisation dont elle fait l’objet, notamment en matière de sécurité, est souvent alimentée par des perceptions dépassées et des clichés, qu’il est impératif de déconstruire.
entre pressions internationales et préservation de la souveraineté
L’éventuelle installation de scanners corporels dans les aéroports algériens reflète un dilemme auquel le pays est confronté : répondre aux exigences sécuritaires internationales sans compromettre sa souveraineté ni ses principes. Si cette décision peut renforcer la sécurité et améliorer les relations avec les États-Unis, elle soulève également des défis économiques, techniques et éthiques.
Pour l’Algérie, l’enjeu est de trouver un équilibre entre coopération internationale et affirmation de son indépendance, tout en assurant la sécurité de ses citoyens et des passagers internationaux. Dans ce contexte, une stratégie globale et réfléchie s’impose pour transformer ces défis en opportunités.