Le projet de révision constitutionnelle en Algérie suscite une vive polémique, particulièrement auprès de la diaspora algérienne en France. Au cœur de la controverse, l’article 51, qui impose la nationalité algérienne exclusive pour accéder aux hautes fonctions de l’État et exige une résidence de dix années consécutives en Algérie. Ces dispositions sont perçues comme discriminatoires par une partie des Algériens à l’étranger. Une conférence organisée à Paris par l’association Algériens des deux rives et leurs amis (ADRA) a réuni des intervenants pour dénoncer cet article et appeler à son retrait. Retour sur les enjeux de cette mobilisation.
L’article 51 : des dispositions qui divisent
Des restrictions controversées
L’article 51 du projet de révision constitutionnelle stipule que seules les personnes ayant la nationalité algérienne exclusive peuvent prétendre à des postes élevés dans l’administration et l’appareil d’État. Cette disposition exclut de facto les binationaux, qui représentent une part importante de la diaspora algérienne. À cela s’ajoute une autre condition restrictive : une résidence continue de dix ans en Algérie pour accéder à ces fonctions.
Ces critères, selon les détracteurs, constituent une forme de discrimination à l’encontre des Algériens établis à l’étranger. Ils soulignent que la diaspora, bien qu’éloignée géographiquement, joue un rôle essentiel dans le développement du pays à travers ses contributions économiques, intellectuelles et culturelles.
Un débat juridique et politique
Sur le plan juridique, l’article 51 est critiqué pour ses vices structurels. Lors de la conférence organisée par ADRA, Me Rafik Rabia, avocat spécialisé en droit public, a mis en lumière les contradictions de cette disposition. Selon lui, la rédaction laisse place à des interprétations floues, qui pourraient compliquer son application et créer des inégalités devant la loi. Sur le plan politique, cet article est perçu comme une tentative de diviser les Algériens en instaurant des barrières artificielles entre ceux résidant dans le pays et ceux établis à l’étranger.
La diaspora algérienne en France : une mobilisation grandissante
Un rassemblement à Paris pour dénoncer l’exclusion
La conférence organisée à Paris par ADRA a réuni une centaine de participants, parmi lesquels des personnalités politiques, des juristes et des membres de la société civile. L’objectif principal était de sensibiliser l’opinion publique et de mobiliser la diaspora contre cet article controversé. Le député Belkacem Amarouche, représentant la communauté algérienne en Europe et aux États-Unis, a appelé à une « citoyenneté véritable » qui inclut tous les Algériens, indépendamment de leur lieu de résidence ou de leur double nationalité.
Les participants ont également mis en avant le rôle crucial que peuvent jouer les binationaux dans le développement économique et politique de l’Algérie. Leur expertise, acquise dans des pays développés, est un atout pour le pays, à condition qu’elle soit reconnue et valorisée.
ADRA en première ligne
Fondée en 2012, l’association Algériens des deux rives et leurs amis (ADRA) milite pour la promotion de l’action culturelle et sociale entre les Algériens et leurs amis à travers le monde. Dans le cadre de la controverse sur l’article 51, ADRA a lancé une pétition pour demander son retrait. Relayée sur les réseaux sociaux et dans les médias, cette initiative vise à fédérer les associations algériennes en France autour d’une mobilisation commune. ADRA dénonce une mesure « excluante » et appelle à une révision qui unifie, plutôt que divise, les citoyens algériens.
Les implications de l’article 51 pour l’Algérie
Un impact sur la cohésion nationale
L’article 51, en restreignant l’accès aux hautes fonctions de l’État aux seuls Algériens résidant dans le pays, risque de creuser le fossé entre la diaspora et le reste de la population. Cette exclusion pourrait alimenter un sentiment d’injustice et de marginalisation parmi les Algériens de l’étranger, qui représentent une ressource importante pour le pays. Une telle disposition va à l’encontre des efforts visant à renforcer la cohésion nationale et à mobiliser tous les talents au service du développement de l’Algérie.
Un frein au transfert de compétences
Les binationaux, souvent formés dans des institutions prestigieuses à l’étranger, disposent d’une expertise précieuse dans des domaines clés tels que la santé, l’éducation, la technologie et la finance. En limitant leur accès aux postes stratégiques, l’Algérie risque de se priver de ces compétences. À une époque où de nombreux pays tentent d’attirer leurs talents expatriés, cette mesure semble aller à contre-courant des dynamiques globales.
Les arguments en faveur de l’article 51
Une question de souveraineté nationale
Les défenseurs de l’article 51 avancent que cette disposition vise à préserver la souveraineté nationale en réservant les postes sensibles aux personnes ayant exclusivement la nationalité algérienne. Dans un contexte géopolitique complexe, ils estiment qu’il est essentiel de limiter les influences étrangères sur les décisions stratégiques de l’État.
Éviter les conflits d’intérêts
Un autre argument fréquemment avancé est la nécessité d’éviter les conflits d’intérêts potentiels liés à la double nationalité. Les partisans de l’article 51 craignent que des binationaux occupant des postes élevés puissent être influencés par leur seconde nationalité, au détriment des intérêts algériens.
Une mobilisation internationale en cours
Les associations algériennes en France en première ligne
Outre ADRA, d’autres associations algériennes basées en France ont rejoint la mobilisation contre l’article 51. Des réunions, conférences et actions de sensibilisation sont organisées pour interpeller les autorités algériennes et défendre les droits de la diaspora. Cette mobilisation montre que la question dépasse le cadre purement juridique pour devenir un enjeu de société.
Un débat qui s’étend au-delà des frontières
Le débat sur l’article 51 a également trouvé un écho auprès de la diaspora algérienne dans d’autres pays, notamment au Canada, aux États-Unis et dans plusieurs pays européens. Ces communautés, bien qu’éloignées géographiquement, se sentent directement concernées par une mesure qu’elles jugent discriminatoire.
Vers une révision inclusive ?
Les propositions de la diaspora
Lors de la conférence de Paris, plusieurs intervenants ont proposé des alternatives à l’article 51. Ils ont notamment suggéré de revoir les critères de sélection pour les hautes fonctions de l’État en mettant davantage l’accent sur les compétences et l’expérience, plutôt que sur la nationalité ou la résidence. Cette approche, selon eux, permettrait de valoriser les talents algériens, qu’ils soient basés à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
Le rôle des décideurs algériens
Pour répondre à ces critiques, les décideurs algériens devront adopter une approche équilibrée, qui prenne en compte les préoccupations légitimes de la diaspora tout en préservant les intérêts stratégiques du pays. Une révision inclusive de l’article 51 pourrait constituer une opportunité pour renforcer la cohésion nationale et rétablir la confiance entre l’État et ses citoyens à l’étranger.
Conclusion : une réforme nécessaire pour l’unité nationale
La controverse autour de l’article 51 du projet de révision constitutionnelle met en lumière les tensions entre les aspirations de la diaspora algérienne et les choix politiques nationaux. Alors que la diaspora représente une richesse inestimable pour l’Algérie, son exclusion des hautes fonctions de l’État risque de creuser davantage le fossé entre les Algériens de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Une révision inclusive et équitable de cette disposition serait un pas important vers une citoyenneté algérienne véritable, capable de fédérer tous les talents au service du développement du pays