Le marché noir des devises en Algérie connaît un bouleversement majeur avec la chute de l’euro face au dinar algérien, atteignant son plus bas niveau de l’année. En ce 24 décembre, le billet de 100 euros s’échange entre 23 800 et 24 100 DA, une baisse significative après une longue tendance haussière. Cette évolution résulte d’une série de mesures stratégiques prises par les autorités algériennes pour réguler ce marché parallèle. Analyse des causes de cette dépréciation et de ses implications pour l’économie algérienne.
Un recul sans précédent sur le marché noir
L’euro tombe sous les 240 DA
Depuis le 10 décembre, l’euro enregistre une baisse constante face au dinar algérien sur le marché noir. Après une période de hausse qui a duré 13 mois, la monnaie unique européenne a chuté sous la barre symbolique des 240 DA, un seuil jamais atteint en 2024. Cette tendance marque un retournement radical pour un marché où l’euro était auparavant en position dominante.
Le taux de change actuel reflète une perte de confiance relative dans la dynamique spéculative habituelle. Pour rappel, en novembre 2023, l’euro atteignait encore des sommets, flirtant avec les 260 DA sur ce marché informel. Aujourd’hui, il est revenu à des niveaux similaires à ceux observés en 2023.
Des cotations fluctuantes mais indicatives
Sur le marché parallèle, les cotations actuelles pour 100 euros varient entre 23 800 et 24 100 DA à la vente, contre 24 000 à 24 200 DA il y a seulement quelques semaines. Bien que ces chiffres restent officieux, ils constituent un baromètre important pour les Algériens qui dépendent de ce marché pour leurs transactions internationales, étant donné la disparité avec les taux officiels.
Les mesures gouvernementales à l’origine de la baisse
Gel des importations de voitures d’occasion
La première mesure ayant impacté le marché noir est le gel des importations de voitures d’occasion de moins de trois ans. Annoncée en octobre dernier, cette décision a stoppé un secteur qui alimentait une forte demande de devises sur le marché parallèle. Avec la suspension de ces importations, les besoins en euros pour l’achat de véhicules à l’étranger ont considérablement diminué, entraînant une baisse rapide du taux de change.
Cette mesure, bien qu’impopulaire auprès de certains acteurs économiques, vise à réguler le marché intérieur des devises tout en réduisant les sorties illégales de devises. Selon les analystes, elle a permis une certaine stabilisation du marché noir, où les fluctuations sont souvent amplifiées par des facteurs spéculatifs.
Limitation des exportations de devises par les voyageurs
Le 21 novembre, la Banque d’Algérie a introduit une nouvelle réglementation limitant l’exportation annuelle de devises par les résidents et non-résidents à 7 500 euros. Cette mesure remplace l’ancienne règle, qui permettait d’exporter ce montant à chaque voyage. En réduisant le volume de devises pouvant quitter le pays, les autorités espèrent contenir les fuites et préserver les réserves en devises étrangères.
Cette décision a eu un effet immédiat sur le marché noir, freinant temporairement la demande. Les voyageurs algériens, qui constituaient une part importante des acheteurs sur ce marché, se retrouvent désormais contraints par cette nouvelle limitation.
Augmentation de l’allocation touristique
Le 7 décembre, le Conseil des ministres a annoncé une augmentation significative de l’allocation touristique, effective à partir du 1er janvier 2024. Cette mesure, visant à offrir un accès légal et simplifié aux devises pour les voyages à l’étranger, a également contribué à réduire la pression sur le marché noir. En offrant une alternative officielle, le gouvernement espère limiter le recours au marché parallèle, tout en améliorant l’image de sa politique monétaire auprès des citoyens.
Les implications pour l’économie algérienne
Un impact positif sur le contrôle des devises
Ces mesures combinées reflètent une volonté claire des autorités algériennes de reprendre le contrôle sur les flux de devises. En réduisant les transactions non régulées, elles visent à protéger les réserves en devises étrangères, cruciales pour stabiliser l’économie nationale. Selon les économistes, cette stratégie pourrait à terme réduire la dépendance à un marché noir devenu incontournable pour de nombreux Algériens.
Cependant, le succès de ces initiatives dépendra de leur mise en œuvre efficace et de la capacité du gouvernement à offrir des alternatives viables pour répondre à la demande en devises. L’augmentation de l’allocation touristique est un pas dans la bonne direction, mais des efforts supplémentaires seront nécessaires pour renforcer la confiance dans le système officiel.
Des défis pour les acteurs du marché informel
La baisse de l’euro sur le marché noir a également des répercussions sur les acteurs qui en dépendent. Les commerçants, importateurs et particuliers qui utilisent ce marché pour leurs transactions internationales font face à une incertitude accrue. Certains craignent que la poursuite des restrictions ne freine leurs activités, tandis que d’autres y voient une opportunité pour réguler un secteur historiquement incontrôlé.
Un enjeu géopolitique et financier
La place du dinar dans la politique monétaire algérienne
En s’attaquant au marché noir des devises, l’Algérie cherche également à renforcer la position du dinar dans les échanges locaux et internationaux. La stabilisation de la monnaie nationale est un objectif clé pour attirer les investissements étrangers et soutenir le commerce extérieur. Toutefois, la persistance d’un écart significatif entre les taux officiels et parallèles continue de poser un défi majeur.
Les leçons des expériences internationales
Des pays comme le Maroc ou l’Égypte, confrontés à des défis similaires, ont adopté des politiques variées pour réduire l’écart entre les taux de change officiels et informels. Ces exemples montrent qu’une stratégie combinant contrôle strict, libéralisation progressive et communication efficace peut offrir des résultats durables. L’Algérie pourrait s’en inspirer pour affiner sa propre approche.
Perspectives et défis futurs
Un équilibre à trouver
Bien que la baisse de l’euro face au dinar sur le marché noir soit perçue comme un signe positif, elle soulève également des questions sur la durabilité de cette tendance. Si les mesures gouvernementales se poursuivent, elles pourraient contribuer à une meilleure régulation. Toutefois, une approche trop rigide risque d’alimenter une résilience accrue du marché informel.
La nécessité d’une réforme globale
Pour résoudre de manière durable les problèmes liés au marché noir des devises, l’Algérie devra envisager des réformes structurelles. Cela inclut la modernisation de son système bancaire, la facilitation des transactions en devises pour les particuliers et les entreprises, et une communication renforcée pour restaurer la confiance des citoyens.
Conclusion : Une politique monétaire à un tournant
La chute de l’euro face au dinar sur le marché noir marque un tournant dans la lutte contre l’économie informelle en Algérie. Les mesures prises par les autorités, bien que nécessaires, devront s’accompagner d’une stratégie globale pour assurer une transition harmonieuse vers un système plus régulé. Alors que l’économie algérienne reste confrontée à de nombreux défis, ces initiatives offrent une opportunité de renforcer la résilience du dinar et de poser les bases d’une politique monétaire plus stable.