Une récolte en plein essor dans le Sud algérien
Depuis plusieurs semaines, la récolte du maïs grain bat son plein dans le Sud algérien, notamment dans les wilayas d’Adrar, Timimoun et Ouargla. Cette culture, encore relativement récente dans ces régions désertiques, bénéficie d’un soutien massif de l’État, qui ambitionne d’atteindre une mise en culture de 220 000 hectares à l’horizon 2028. L’objectif est clair : réduire la dépendance aux importations coûteuses et garantir l’autosuffisance alimentaire, en particulier pour l’élevage avicole.
Hanane Labiod, directrice de régulation et de valorisation des productions agricoles au ministère de l’Agriculture, a récemment salué les progrès réalisés lors du lancement officiel de la récolte à Timimoun. Grâce à des rendements allant jusqu’à 115 quintaux par hectare dans certaines exploitations, le potentiel du maïs grain se confirme, bien que la moyenne nationale reste autour de 80-90 quintaux.
Pourquoi le maïs grain est-il stratégique en Algérie ?
La production de maïs grain revêt une importance capitale pour l’Algérie, principalement en raison de son rôle clé dans l’élevage avicole. Ce type d’élevage, essentiel pour fournir une viande blanche accessible aux ménages à faible revenu, dépend largement des grains importés. Chaque année, le pays importe environ 3,5 millions de tonnes de maïs grain pour alimenter ses élevages de volailles, un poste de dépense significatif dans un contexte de fluctuation des prix sur le marché mondial.
Le maïs grain est également prisé pour son efficacité dans la conversion alimentaire. Il faut environ 1,35 kg de mélange de maïs et de soja pour produire un kilo de viande de poulet, contre 10 kg ou plus de grains pour produire un kilo de viande de bœuf. Ce ratio favorable place le maïs grain au cœur des politiques visant à garantir la sécurité alimentaire et à limiter les coûts pour les consommateurs.
Un pari ambitieux soutenu par des moyens colossaux
L’État algérien a déployé d’importants moyens pour soutenir la culture du maïs grain. Des subventions ont été accordées pour l’achat de matériel d’irrigation et d’engrais, et l’Office national des aliments du bétail (ONAB) a renforcé la logistique pour acheminer les récoltes vers des centres de stockage parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres.
De plus, les prix d’achat offerts aux agriculteurs par l’ONAB ont été relevés, passant de 4 500 à 5 000 DA le quintal, afin de garantir une meilleure rentabilité aux investisseurs. Bien que ce prix soit supérieur à celui du marché mondial, il reflète une volonté de l’État de stimuler la production locale. Les résidus de culture, qui enrichissent les sols désertiques après la récolte, représentent également un avantage écologique non négligeable.
Les efforts ne s’arrêtent pas là. Des caravanes de vulgarisation sont organisées pour accompagner techniquement les agriculteurs, tandis que des entreprises telles que Timac Agro et Profert proposent des solutions complètes incluant semences, engrais et produits phytosanitaires. Cependant, la production locale de semences reste un défi à relever, car celles-ci sont encore largement importées.
Une concurrence féroce avec le maïs ensilage
Malgré ses avantages, le développement du maïs grain se heurte à une concurrence importante : celle du maïs ensilage. Ce dernier, récolté plus tôt, est conditionné en balles enrubannées et utilisé principalement comme fourrage pour le bétail. En 2021, la production nationale de maïs ensilage s’élevait à 150 000 tonnes, contre seulement 13 000 tonnes pour le maïs grain.
Ce succès s’explique par plusieurs facteurs. Le cycle de culture du maïs ensilage est plus court (environ trois mois), ce qui réduit les besoins en irrigation et en électricité. De plus, la récolte précoce permet de suivre avec un semis de blé, une opportunité supplémentaire pour les agriculteurs. Enfin, le maïs ensilage bénéficie d’un marché libre, offrant des prix attractifs aux producteurs.
Cependant, cette dominance du maïs ensilage soulève des questions sur la capacité du pays à atteindre ses objectifs en matière de maïs grain. Les politiques agricoles devront trouver un équilibre entre ces deux productions complémentaires mais concurrentes.
Les défis d’une transition agricole dans le Sud
Si les ambitions de l’Algérie en matière de maïs grain sont grandes, elles ne sont pas sans défis. Les conditions climatiques du Sud, marquées par des températures élevées et une disponibilité limitée en eau, rendent cette culture particulièrement exigeante. L’irrigation, essentielle pour garantir de bons rendements, engendre des coûts élevés en énergie, notamment en électricité, souvent fournie par Sonelgaz.
De plus, la logistique nécessaire pour transporter les récoltes des zones de production vers les centres de stockage ou les unités de transformation est un autre obstacle majeur. Les distances importantes augmentent les coûts et nécessitent des investissements constants dans les infrastructures.
Enfin, l’adoption de cette culture par les agriculteurs locaux dépendra en grande partie du soutien technique et financier continu de l’État. Des politiques incitatives, comme des subventions pour le matériel agricole et un accompagnement technique renforcé, seront essentielles pour maintenir l’élan actuel.
Une dynamique à consolider pour l’autosuffisance
La récolte de maïs grain en Algérie représente une avancée prometteuse dans la quête d’autosuffisance alimentaire. Toutefois, pour transformer cette dynamique en succès durable, il sera crucial de surmonter les défis liés à la concurrence avec le maïs ensilage, aux contraintes climatiques et à la logistique.
Le soutien de l’État, qui inclut des prix d’achat attractifs, des subventions et des efforts de vulgarisation, devra être maintenu, voire renforcé. Par ailleurs, l’investissement dans la production locale de semences, ainsi que dans des technologies d’irrigation plus efficaces, constituera une étape clé pour garantir la pérennité de cette culture stratégique.
Le président Abdelmadjid Tebboune a récemment déclaré que le maïs grain devait devenir une « tradition agricole » en Algérie. Si cet objectif est atteint, le pays pourrait réduire sa facture d’importation et sécuriser un approvisionnement vital pour son secteur avicole. Cependant, la route vers l’autosuffisance reste semée d’embûches, et la réussite de ce pari dépendra de la capacité des autorités et des agriculteurs à relever ces défis ensemble.