Mabrouk, le cheval offert par Bouteflika à Chirac, meurt à 31 ans : un symbole de l’amitié franco-algérienne s’éteint

0
Mabrouk, le cheval offert par Bouteflika à Chirac, meurt à 31 ans : un symbole de l’amitié franco-algérienne s’éteint

Mabrouk, un cheval arabe-barbe âgé de 31 ans, est mort début janvier au Haras national de Pompadour. Il avait été offert par l’ancien président algérien Abdelaziz Bouteflika à Jacques Chirac en 2003, lors d’une visite officielle en Algérie. Aujourd’hui, son décès suscite une vague d’émotion chez tous ceux qui voyaient en lui un lien vivant entre la France et l’Algérie. Dans un pays où la tradition équestre est forte, ce cadeau présidentiel était un symbole d’amitié et de respect. Mais qui était vraiment Mabrouk, et pourquoi sa disparition à un âge avancé retient-elle autant l’attention ?

Une tradition présidentielle méconnue

Depuis l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie en 1999, offrir des chevaux aux présidents français était devenu une habitude diplomatique. Bouteflika avait ainsi offert des étalons de la race barbe ou arabe-barbe à Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Chacun de ces chevaux portait une forte valeur symbolique. Ils représentaient la richesse culturelle algérienne et l’héritage d’une longue tradition équestre. Le but était simple : sceller des relations amicales entre les deux pays et perpétuer un rituel datant de plusieurs décennies, voire plus.


Le cheval, en tant qu’animal noble, a toujours occupé une place spéciale dans les échanges protocolaires. Dans diverses régions du monde, offrir un cheval témoigne d’une grande estime. C’est un don somptueux qui symbolise la force, la fidélité et un certain respect mutuel. Pour l’Algérie, il s’agissait aussi de mettre en avant la robustesse et la réputation de ses races locales, appréciées pour leur endurance et leur élégance.

Les origines du cheval arabe-barbe

Mabrouk était un cheval de type arabe-barbe, une race hybride typique d’Afrique du Nord. Cette lignée descend des chevaux barbes, réputés pour leur résistance, et des chevaux arabes, souvent appréciés pour leur rapidité et leur élégance. L’élevage de chevaux arabes-barbe en Algérie remonte à plusieurs siècles. Les bédouins prenaient soin de sélectionner leurs montures pour qu’elles soient adaptées aux conditions difficiles du climat méditerranéen et saharien.
Le cheval arabe-barbe se distingue par sa longévité, son allure gracieuse et son tempérament docile. Il est aussi connu pour son intelligence et sa polyvalence. Il peut servir de cheval de guerre, de course ou de loisir. C’est une race qui fait la fierté de nombreux éleveurs algériens et marocains, qui le considèrent comme un trésor vivant. Les associations équines en Afrique du Nord s’emploient à préserver sa pureté génétique, face aux menaces que représentent la modernisation et la réduction des pâturages.

La rencontre entre Chirac et Bouteflika en 2003

En février 2003, Jacques Chirac, alors président de la République française, s’est rendu en Algérie pour une visite d’État de trois jours. Cette visite revêtait une grande importance, car elle marquait un rapprochement entre deux pays unis par une histoire complexe. L’objectif était de renforcer la coopération bilatérale, d’apaiser les tensions héritées de la colonisation et de poser de nouveaux jalons pour l’avenir.


Lors de cette visite, Abdelaziz Bouteflika offrit à Jacques Chirac ce qui est considéré comme l’un des plus beaux cadeaux diplomatiques : un cheval arabe-barbe baptisé Mabrouk. Ce geste fut largement médiatisé. Il illustrait l’intention de l’Algérie de consolider une relation amicale. On vit alors Chirac, grand amateur des traditions françaises et passionné par les terroirs, accueillir ce cadeau avec un sourire franc. Selon certains témoins, il l’aurait même décrit comme un présent d’une rare élégance, et une marque d’estime réciproque.

La longue vie de Mabrouk au Haras national de Pompadour

Après la visite de 2003, Mabrouk fut transféré dans l’Hexagone. Il rejoignit la jumenterie de Chignac, située au Haras national de Pompadour, en Corrèze. Cet endroit historique est dédié à la préservation des traditions équestres françaises et accueille de nombreux chevaux de haut standing. Pendant de longues années, Mabrouk y bénéficia de soins attentifs. On y veillait à son alimentation, à ses exercices et à son bien-être général.


La vie d’un cheval de représentation n’est pas toujours simple. Les animaux offerts à des chefs d’État peuvent passer de longs moments sous la garde d’institutions spécialisées. Ils doivent parfois s’adapter à un climat ou à un régime alimentaire différent de leur pays d’origine. Pourtant, Mabrouk s’intégra rapidement à son nouveau milieu. Les soigneurs et vétérinaires saluaient sa robustesse. Malgré les contraintes liées à son âge, il maintenait une certaine vivacité.


Lorsque Jacques Chirac est décédé en septembre 2019, et qu’Abdelaziz Bouteflika nous a quittés en septembre 2021, Mabrouk restait l’un des rares témoignages vivants de cette relation singulière entre les deux hommes. On le voyait comme un cheval « ambassadeur », chargé de maintenir un lien symbolique entre la France et l’Algérie.

Un « centenaire » équin qui amusait encore ses soigneurs

À 31 ans, Mabrouk avait atteint un âge très avancé pour un cheval de sa race. D’ordinaire, un cheval arabe-barbe vit en moyenne entre 25 et 30 ans. Arriver à 31 ans est donc un bel exploit. Selon Justine Picpon, coordinatrice du site où Mabrouk était hébergé, il restait joueur et parfois coquin jusqu’à la fin. Il s’amusait encore à saisir les vestes ou les lunettes des visiteurs qui s’approchaient trop près.


Sa longévité exceptionnelle démontre la qualité des soins reçus. Les équipes du Domaine de Chignac veillaient à son alimentation, en privilégiant des produits naturels. Des remèdes à base de plantes l’aidaient à supporter l’arthrose, un mal fréquent chez les chevaux âgés. On raconte aussi qu’il aimait regarder les juments avec leurs poulains, une vue qui le calmait et diminuait son « syndrome de marche continue ».


Cette petite routine quotidienne, associée à la bienveillance du personnel, a sans doute contribué à prolonger la vie de Mabrouk. Pour les vétérinaires et passionnés d’équidés, il était un cas d’école, prouvant qu’avec des soins adaptés, les chevaux peuvent vivre plus longtemps qu’on ne l’imagine.


Des funérailles symboliques pour un cadeau présidentiel

Le cheval s’est éteint le 2 janvier, d’après Cheval Magazine. Sa disparition marque la fin d’une époque et rappelle la portée diplomatique de ce cadeau offert en 2003. Les responsables du Haras national de Pompadour ont tenu à lui rendre un dernier hommage, soulignant son statut particulier. Bien que Mabrouk n’ait pas eu droit à des funérailles officielles, comme cela peut arriver pour certains chevaux de course célèbres, sa mort n’est pas passée inaperçue.
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes, tant en France qu’en Algérie, ont réagi à la nouvelle. Ils y voyaient la perte d’un symbole de rapprochement entre les deux nations. Certains y ont vu un simple événement anodin, quand d’autres y ont trouvé une valeur sentimentale plus grande. Après tout, Mabrouk avait vécu l’ère de la diplomatie dite « d’amitié », à une époque où Chirac et Bouteflika tentaient de panser les plaies d’un passé mouvementé.

Les autres chevaux offerts par Bouteflika

Mabrouk n’était pas le seul cheval à avoir fait le voyage d’Algérie vers la France. Bouteflika avait aussi offert des étalons barbe ou arabe-barbe à Nicolas Sarkozy et François Hollande. Ces présents, souvent moins médiatisés, suivaient néanmoins le même protocole. Ils étaient remis lors de visites officielles ou d’occasions spéciales, symbolisant un geste d’honneur et de fraternité.


Ces chevaux, confiés à des haras français, n’ont pas tous connu le même destin. Certains sont restés discrets, d’autres ont participé à des démonstrations équestres. Le but restait identique : perpétuer une tradition d’hospitalité algérienne, où le cheval tient une place de choix. Dans les écuries présidentielles françaises, ces montures venues du Maghreb ne passaient pas inaperçues. Leur pedigree, lié à l’histoire et à la diplomatie, leur conférait un statut singulier.

Un usage diplomatique ancestral : le cheval comme symbole de paix

Le cheval, dans de nombreuses cultures, est un symbole de puissance, d’alliance et de noblesse. Les échanges de chevaux sont courants dans la diplomatie depuis l’Antiquité. Les rois et sultans offraient déjà des montures d’exception pour prouver leur richesse, leur respect ou leur désir de conclure des traités. Cette pratique s’est poursuivie à travers les siècles, prenant différentes formes selon les époques et les régions.


En Afrique du Nord, où l’élevage équin est ancré dans la tradition, offrir un cheval revêt une signification particulière. C’est une manière de dire : « Nous partageons un héritage commun, celui de l’amour du cheval et de la terre. » Au-delà du protocole, c’est un acte qui fait appel à la mémoire collective et aux valeurs ancestrales. Pour Abdelaziz Bouteflika, cette démarche était sans doute une façon de rappeler que l’Algérie, malgré son passé colonial, voulait tourner la page et bâtir des ponts.

Entre l’histoire et la mémoire : ce que la mort de Mabrouk nous apprend

Le décès de Mabrouk clôt un chapitre de l’histoire franco-algérienne. Il interpelle sur la fragilité des symboles diplomatiques, et sur la nécessité de préserver une mémoire commune. Au fil du temps, les contextes politiques évoluent, les dirigeants changent, mais ces cadeaux équestres continuent d’exister en marge de la scène publique.


Cet événement rappelle que la diplomatie n’est pas seulement faite de traités et de discours. Elle inclut également des gestes, des objets, ou même des êtres vivants, capables de porter un message au-delà des mots. La mort de Mabrouk invite à réfléchir à la manière dont les relations entre la France et l’Algérie ont fluctué depuis 2003, et comment elles se transforment encore aujourd’hui.


Il est possible que la tradition perdure, ou qu’elle s’éteigne avec le temps. Quoi qu’il en soit, l’exemple de Mabrouk souligne l’importance de rituels et de symboles dans le jeu diplomatique. Ils rappellent aux peuples concernés que la politique est aussi une affaire d’émotions et de symboles.

Impacts possibles sur les relations franco-algériennes

Sur un plan concret, la mort de Mabrouk ne devrait pas avoir d’impact significatif sur la diplomatie. Après tout, il s’agit d’un incident lié à un cheval en fin de vie. Pourtant, certains observateurs y voient un signe : l’effacement progressif d’une période marquée par la courtoisie et l’échange de présents entre chefs d’État.


De nos jours, les relations entre la France et l’Algérie sont régulièrement mises à rude épreuve par des différends politiques ou mémoriels. L’ère Chirac-Bouteflika, malgré ses limites, était caractérisée par une volonté plus affirmée de dialogue et de réconciliation. La disparition de ce cheval, qui avait survécu à ses deux « maîtres », illustre peut-être la fin définitive de cette parenthèse d’optimisme.


Reste à savoir si les gouvernements français et algérien continueront d’échanger ce type de cadeaux. Les temps ont changé. Les nouveaux dirigeants ont leurs propres codes, et la diplomatie évolue. Mais le souvenir de Mabrouk, lui, persistera sans doute chez les nostalgiques de cette époque révolue.

Conclusion

Mabrouk, le cheval offert par Abdelaziz Bouteflika à Jacques Chirac, s’est éteint à 31 ans au Haras national de Pompadour. Au-delà de l’anecdote, cette disparition résonne comme un symbole d’une diplomatie d’un autre temps, où l’échange d’un cheval pouvait sceller une amitié ou signaler une volonté de rapprochement. Dans le contexte de la relation franco-algérienne, souvent complexe, cet étalon incarnait un pont entre deux mondes, deux cultures, deux histoires liées par un passé commun.


Aujourd’hui, alors que les deux présidents qui l’avaient rendu célèbre sont eux-mêmes disparus, Mabrouk laisse le souvenir d’un animal robuste, joueur et porteur d’une certaine grandeur. Il nous rappelle que la politique, parfois, se manifeste de manière vivante et inattendue, à travers un cheval qui dépasse les frontières et les années. Puissent ses héritiers symboliques continuer de transmettre ce message d’amitié, au-delà des turbulences et des divergences de la realpolitik.

Article précédentMarché du miel en Algérie : une croissance spectaculaire malgré les défis
Article suivantCrise France-Algérie : l’Élysée Recadre Retailleau et Prend le Contrôle de la Diplomatie