L’Algérie commence 2025 sous le signe d’une croissance économique affirmée. Les hydrocarbures, moteur historique de son économie, bénéficient d’une conjoncture internationale favorable, avec des cours élevés du gaz et du pétrole, et un dollar fort face à un euro affaibli. Mais au-delà de ces signaux positifs, l’Algérie reste enfermée dans une dépendance excessive à ses ressources naturelles, mettant en lumière des failles structurelles que les autorités semblent ignorer. Peut-on parler d’un véritable renouveau économique ou simplement d’un sursis offert par des facteurs externes ?
Une dépendance chronique aux hydrocarbures : un modèle économique à bout de souffle
Les hydrocarbures, une manne qui perpétue l’immobilisme
Le gaz algérien s’impose comme une bouée de sauvetage pour l’Europe en crise énergétique. En octobre 2024, l’Algérie est devenue le premier fournisseur de gaz de l’Union européenne, avec 21,6 % des importations européennes. Mais derrière cette victoire apparente se cache une réalité préoccupante : une économie qui repose toujours à plus de 90 % sur les exportations d’hydrocarbures.
Sonatrach, la compagnie nationale, a annoncé un programme d’investissement colossal de 50 milliards de dollars d’ici 2028 pour augmenter la production de gaz et de pétrole. Une ambition qui pourrait être saluée si elle n’illustrait pas une incapacité à sortir du piège des ressources naturelles. À l’heure où le monde accélère sa transition énergétique, l’Algérie reste désespérément attachée à son pétrole et à son gaz.
Le pétrole, une richesse à double tranchant
Les cours du pétrole, avec un baril de Brent dépassant les 76 dollars, viennent renforcer la fiscalité pétrolière et renflouer les caisses de l’État. Mais cette dépendance excessive au « tout hydrocarbures » expose l’Algérie à des chocs externes majeurs, comme en 2021, lorsque la chute des prix a plongé le pays dans une crise économique grave.
Des signaux monétaires positifs, mais insuffisants pour compenser les failles structurelles
Un dollar fort et un euro faible : une opportunité limitée
La chute de l’euro face au dollar, atteignant 1,026 dollar pour un euro, profite temporairement à l’Algérie. Exportant ses hydrocarbures en dollars et réglant ses importations en euros, le pays bénéficie d’un effet de levier appréciable. Mais ce répit n’est qu’un mirage, car il ne s’accompagne pas de réformes structurelles permettant de réduire la dépendance aux devises étrangères.
Une balance commerciale en trompe-l’œil
L’excédent commercial affiché par l’Algérie est largement dû aux exportations énergétiques, mais il cache une vérité amère : les exportations hors hydrocarbures restent négligeables. Malgré les discours officiels sur la diversification, le pays peine à dépasser le milliard de dollars d’exportations non énergétiques au premier trimestre 2024, loin des ambitions de 10 milliards annuels.
Diversification économique : un discours creux et des résultats insignifiants
Des secteurs non énergétiques marginalisés
L’Algérie prétend vouloir diversifier son économie, mais les faits montrent un manque de volonté politique et de cohérence stratégique. Les secteurs agricole, industriel et technologique restent largement sous-développés, étouffés par une bureaucratie archaïque et des politiques incohérentes.
Malgré l’annonce de 27 projets avec l’Union européenne pour un montant de 2,5 milliards d’euros, les résultats sont loin des attentes. Ces investissements, souvent concentrés sur des infrastructures de base, peinent à transformer le tissu économique.
Un climat des affaires peu attractif
Les investisseurs étrangers continuent de bouder l’Algérie, rebutés par une bureaucratie kafkaïenne, des lois changeantes et une instabilité juridique. Les réformes promises pour améliorer l’environnement des affaires n’ont pas produit les effets escomptés, laissant le secteur privé en marge des grandes décisions économiques.
Transition énergétique : une ambition contrecarrée par l’inaction
Des promesses sans réelle stratégie
Le gouvernement algérien affiche une ambition de produire 15 gigawatts d’énergie renouvelable d’ici 2035, avec un objectif de 2 000 mégawatts dès 2025. Mais ces chiffres masquent une réalité bien moins reluisante : l’absence d’infrastructures, de financement et de technologies pour mener à bien cette transition.
Alors que le monde se tourne vers les énergies vertes, l’Algérie semble bloquée dans un passé énergétique fossile. Son potentiel solaire exceptionnel reste largement inexploité, faute d’une vision claire et d’une volonté politique forte.
Un manque de cohérence avec les engagements climatiques
Dans un contexte mondial de lutte contre le changement climatique, l’Algérie mise sur une augmentation massive de sa production de gaz et de pétrole, un pari risqué qui pourrait compromettre ses relations avec ses partenaires internationaux.
Un modèle économique insoutenable face à des défis majeurs
Le risque de l’immobilisme
L’embellie économique actuelle, portée par des facteurs externes, ne doit pas masquer la fragilité structurelle de l’économie algérienne. Une dépendance excessive aux hydrocarbures, des exportations non diversifiées, un secteur privé marginalisé : autant de symptômes d’un modèle à bout de souffle.
Un avenir incertain sans réformes profondes
Sans une diversification réelle, une amélioration du climat des affaires et une transition énergétique cohérente, l’Algérie risque de rester prisonnière des fluctuations des marchés internationaux, incapable de garantir une croissance durable et inclusive.
Une opportunité gâchée ?
L’économie algérienne profite en 2025 d’un alignement exceptionnel des planètes. Mais au lieu de saisir cette opportunité pour mener des réformes structurelles indispensables, le pays semble s’enfoncer dans un modèle économique archaïque et insoutenable. L’heure n’est plus aux discours, mais à l’action. Sans changement profond, l’Algérie risque de voir cette embellie se transformer en une simple parenthèse, laissant la porte ouverte à de nouvelles crises économiques et sociales.