Le conflit du Sahara occidental, l’une des plus anciennes questions non résolues de la scène internationale, demeure un épicentre de tensions diplomatiques en Afrique du Nord. Le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007, présenté comme une solution politique « sérieuse » et « crédible », continue de diviser les opinions.
Si Rabat peut compter sur le soutien de certaines puissances occidentales, notamment la France et récemment l’Espagne, les critiques, particulièrement virulentes de l’Algérie et du Front Polisario, jettent une ombre sur sa crédibilité. Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, n’a pas mâché ses mots en qualifiant ce plan de « coquille vide », soulignant son manque de fond et de légitimité.
Dans un contexte de rivalités géopolitiques exacerbées, ce dossier incarne les enjeux complexes de la souveraineté, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et des intérêts économiques et stratégiques des puissances étrangères.
Un plan d’autonomie controversé
Le plan marocain repose sur une proposition d’autonomie des territoires sahraouis sous la souveraineté du Royaume. Rabat affirme que cette initiative, présentée en 2007, constitue la meilleure voie pour résoudre ce conflit vieux de plusieurs décennies. Cependant, cette initiative n’a jamais été discutée avec le Front Polisario, le représentant légitime du peuple sahraoui reconnu par les Nations unies.
Ahmed Attaf a récemment souligné une contradiction flagrante : « Depuis 2007, aucun des quatre envoyés personnels du secrétaire général de l’ONU n’a osé considérer ce plan comme une base de négociation. » Le ministre a raillé la forme même du document marocain, le réduisant à « trois pages et demie » dénuées de tout contenu substantiel. Pour lui, ce plan vise avant tout à « enterrer » l’organisation d’un référendum d’autodétermination, pourtant au cœur des résolutions onusiennes.
La France, architecte du plan
Les critiques algériennes ne se limitent pas à la forme ou au contenu du plan marocain. Elles s’étendent à son origine même. Ahmed Attaf et plusieurs diplomates algériens, dont Abdelaziz Rahabi, ont affirmé que ce plan avait été conçu en France, sous la présidence de Jacques Chirac, comme un moyen de protéger les intérêts marocains.
Le soutien renouvelé d’Emmanuel Macron en 2024 a ravivé les tensions. En qualifiant le plan marocain de « seule base sérieuse » pour résoudre le conflit, Macron a accentué le fossé diplomatique entre Paris et Alger. Cette posture française est perçue par l’Algérie comme une continuation d’une politique de favoritisme envers le Maroc, au détriment du droit international et des résolutions des Nations unies.
Le revirement de l’Espagne : une crise diplomatique persistante
L’adhésion de l’Espagne au plan marocain en mars 2022 a marqué un tournant dans ce conflit. Après des années de neutralité relative, Madrid a basculé en faveur de Rabat, qualifiant le plan d’autonomie de « solution réaliste ». Cette volte-face, motivée par des pressions économiques et politiques marocaines, a provoqué une crise diplomatique majeure avec l’Algérie.
Près de trois ans après, les relations entre Alger et Madrid ne se sont toujours pas normalisées. Ce revirement espagnol est perçu par l’Algérie comme un précédent dangereux, ouvrant la voie à une reconnaissance tacite de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, sans consultation du peuple sahraoui.
Des intérêts économiques en jeu
Au-delà des débats diplomatiques, le conflit du Sahara occidental est également une affaire d’intérêts économiques majeurs. Le territoire sahraoui regorge de ressources naturelles, notamment en phosphates et en zones de pêche. De plus, son emplacement stratégique en fait un point clé pour des projets énergétiques comme le gazoduc reliant l’Afrique à l’Europe.
Ahmed Attaf a souligné que le plan marocain, soutenu par des puissances comme la France, vise avant tout à garantir des intérêts économiques, notamment en contournant la souveraineté sahraouie. « Ce n’est pas une question de charia ou de légitimité historique. C’est une question de contrôle des ressources et de domination régionale », a-t-il déclaré.
Le rôle de l’ONU : une impuissance chronique
Malgré des décennies de résolutions et de médiations, les Nations unies n’ont pas réussi à faire avancer le processus de résolution du conflit. Le référendum d’autodétermination, promis depuis les années 1990, reste un mirage. L’Algérie critique vivement cette paralysie, qu’elle attribue à des jeux d’influence orchestrés par des puissances favorables au Maroc.
Ahmed Attaf a dénoncé l’inertie des Nations unies face à un plan qu’il considère comme un « outil de diversion » visant à maintenir le statu quo. Pour Alger, l’ONU doit reprendre les négociations sur la base des résolutions existantes et contraindre le Maroc à respecter le droit international.
Les tensions algéro-marocaines : un conflit sous-jacent
Le conflit du Sahara occidental exacerbe une rivalité historique entre l’Algérie et le Maroc. Alors que Rabat accuse Alger de soutenir le Front Polisario à des fins hégémoniques, Alger reproche au Maroc de manipuler ce conflit pour détourner l’attention de ses problèmes internes, notamment au niveau économique et social.
Les tensions ont atteint leur paroxysme en 2021 lorsque l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, après que ce dernier a exprimé son soutien au mouvement séparatiste MAK en Kabylie. Cette rupture illustre à quel point le dossier du Sahara occidental est devenu un symbole de la rivalité entre les deux pays.
Une solution en vue ?
La résolution du conflit semble plus lointaine que jamais. Le plan marocain, bien que soutenu par certains acteurs internationaux, n’a pas réussi à obtenir un consensus. De son côté, le Front Polisario maintient sa revendication pour un référendum d’autodétermination, soutenu par l’Algérie.
Pour que ce conflit trouve une issue, une volonté politique réelle est nécessaire. Les acteurs régionaux et internationaux doivent cesser d’instrumentaliser ce dossier pour servir leurs propres intérêts.
Le plan d’autonomie marocain incarne les contradictions et les tensions qui entourent le conflit du Sahara occidental. Si Rabat et ses alliés le présentent comme une solution « réaliste », ses nombreuses lacunes, tant sur le fond que sur la forme, en font une proposition contestée.
Dans ce contexte, la position de l’Algérie, qui appelle au respect du droit à l’autodétermination, offre une alternative basée sur le respect des principes du droit international. Cependant, la route vers une résolution durable reste semée d’embûches, entre rivalités régionales, intérêts économiques et inertie internationale.