Avec une production locale couvrant seulement 37 % de ses besoins en médicaments, l’Algérie reste fortement dépendante des importations dans le secteur pharmaceutique. Une facture qui a atteint 1,67 milliard d’euros en 2023, selon le ministre de la Santé, Djamal Ould Abbes, lors d’une rencontre à Alger. Cette situation met en évidence les défis économiques et sanitaires que le pays doit relever pour réduire cette dépendance. Analyse des causes, des enjeux et des perspectives pour l’industrie pharmaceutique algérienne.
Un secteur pharmaceutique encore sous-développé
La production nationale de médicaments en Algérie est insuffisante pour répondre à la demande croissante. Avec seulement 37 % des besoins couverts localement, les importations restent essentielles pour combler le déficit. En 2023, 62 % des médicaments consommés en Algérie ont été importés, générant une facture de 1,67 milliard d’euros.
Cette dépendance souligne les limites d’un secteur qui n’a pas encore atteint son plein potentiel. Malgré la présence de plusieurs unités de production et d’entreprises pharmaceutiques locales, le pays manque d’investissements massifs, de transfert de technologie et de recherche pour produire des médicaments innovants et génériques à grande échelle.
Les conséquences économiques d’une dépendance excessive
La dépendance aux importations pharmaceutiques a des conséquences significatives sur l’économie algérienne. Avec une facture annuelle dépassant le milliard d’euros, les importations de médicaments pèsent lourdement sur les réserves de devises étrangères du pays.
Cette situation est d’autant plus préoccupante dans un contexte économique marqué par une baisse des revenus pétroliers et gaziers, principale source de devises pour l’Algérie. L’instabilité des prix des hydrocarbures rend cette facture encore plus difficile à supporter, limitant les marges de manœuvre budgétaires pour d’autres secteurs stratégiques comme l’éducation ou les infrastructures.
Une demande en constante augmentation
La croissance démographique et le vieillissement de la population algérienne exercent une pression supplémentaire sur le système de santé et, par extension, sur le marché pharmaceutique. Avec une population qui dépasse les 45 millions d’habitants, les besoins en médicaments ne cessent de croître, notamment pour les maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension et les cancers.
Cette demande accrue ne peut être satisfaite qu’à travers une augmentation significative de la production locale ou une gestion plus efficace des importations. Dans les deux cas, des réformes structurelles sont nécessaires pour adapter l’offre à la demande.
Les obstacles à la production nationale
Plusieurs défis freinent le développement de l’industrie pharmaceutique locale en Algérie. Parmi eux, le manque d’investissements dans la recherche et le développement (R&D) est particulièrement problématique. La production nationale se concentre principalement sur des médicaments génériques, tandis que les produits innovants ou de spécialité restent majoritairement importés.
Le cadre réglementaire, bien qu’amélioré ces dernières années, manque encore de souplesse pour attirer des investisseurs étrangers et encourager les partenariats public-privé. Par ailleurs, les infrastructures locales, notamment en termes de laboratoires de contrôle de qualité et d’unités de production, nécessitent une modernisation pour répondre aux normes internationales.
Un potentiel inexploité pour l’autosuffisance
Malgré ces défis, l’Algérie dispose de plusieurs atouts qui pourraient accélérer son chemin vers l’autosuffisance pharmaceutique. La présence de multinationales dans le pays, comme Sanofi ou Pfizer, offre des opportunités pour le transfert de technologie et le développement de chaînes de production locales.
En outre, le gouvernement a exprimé à plusieurs reprises sa volonté de réduire les importations et de promouvoir la production nationale. Des incitations fiscales et des politiques de soutien aux entreprises locales pourraient jouer un rôle clé dans la stimulation de l’industrie pharmaceutique.
Le rôle stratégique des médicaments essentiels
Lors de la rencontre avec des experts, le ministre de la Santé a souligné l’importance d’élaborer une liste nationale des médicaments essentiels. Cette démarche vise à prioriser la production et l’approvisionnement des médicaments indispensables pour répondre aux besoins de santé publique.
En mettant l’accent sur cette liste, l’Algérie pourrait rationaliser ses importations tout en concentrant ses efforts sur le développement local des traitements essentiels, comme les antibiotiques, les vaccins et les médicaments pour maladies chroniques.
Les leçons à tirer des modèles internationaux
D’autres pays en développement ont réussi à réduire leur dépendance aux importations en adoptant des politiques ambitieuses. L’Inde, par exemple, est devenue un leader mondial de la production de génériques grâce à des investissements massifs dans la R&D et une réglementation favorable.
De même, l’Égypte a mis en place des partenariats public-privé pour développer sa capacité de production locale, réduisant ainsi sa facture d’importation. Ces exemples montrent que l’Algérie pourrait bénéficier d’une stratégie à long terme, combinant soutien à l’innovation, partenariats internationaux et développement des capacités locales.
Perspectives pour l’avenir
Pour atteindre une autosuffisance pharmaceutique, l’Algérie doit adopter une approche intégrée. Cela inclut des investissements accrus dans la recherche, des partenariats stratégiques avec des acteurs internationaux et une meilleure gestion des ressources disponibles.
Par ailleurs, la digitalisation de la chaîne d’approvisionnement et l’utilisation de technologies avancées pourraient améliorer l’efficacité de la production et de la distribution des médicaments. En diversifiant son économie et en réduisant sa dépendance aux hydrocarbures, l’Algérie pourrait également libérer des ressources pour financer ce secteur crucial.
une priorité nationale à concrétiser
La dépendance actuelle de l’Algérie aux importations pharmaceutiques est à la fois un défi et une opportunité. Si elle illustre les lacunes du système actuel, elle met également en lumière le potentiel inexploité de l’industrie locale.
Avec une vision stratégique et des réformes ambitieuses, l’Algérie peut transformer ce secteur en un pilier de son développement économique et social. Réduire la facture d’importation, améliorer l’accès aux médicaments et renforcer la souveraineté sanitaire sont autant d’objectifs qui, s’ils sont atteints, pourraient positionner le pays comme un acteur clé du marché pharmaceutique régional.