La Nouvelle Allocation Touristique en Algérie : Une Réforme Attendue ou une Bombe à Retardement ?

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La Nouvelle Allocation Touristique en Algérie : Une Réforme Attendue ou une Bombe à Retardement ?

L’augmentation spectaculaire de l’allocation touristique en Algérie, annoncée pour janvier 2025, est au cœur des débats économiques et sociaux. Destinée à réduire l’impact du marché noir des devises et à promouvoir un taux de change unifié, cette mesure soulève autant d’espoirs que de craintes. Cependant, à ce jour, les banques n’ont reçu aucune directive concrète, alimentant spéculations et instabilité sur le marché parallèle. Quels sont les enjeux réels de cette réforme ?

Un saut historique : L’allocation touristique multipliée par 7,5

Le 8 décembre 2024, le conseil des ministres algérien a annoncé une révision significative de l’allocation touristique. Initialement fixée à 100 euros par personne et par an, elle doit passer à :

  • 750 euros pour les adultes,
  • 300 euros pour les enfants mineurs,
    ce qui porte à 2 100 euros l’allocation d’une famille de quatre personnes.

Cette décision s’inscrit dans une série de réformes économiques visant à endiguer le marché noir des devises et à promouvoir l’économie formelle. Cependant, les modalités d’application restent floues, retardant la mise en œuvre effective.

L’effet cobra : Quand une mesure produit l’inverse de son objectif

L’une des principales craintes exprimées par les experts est le risque d’un effet cobra : au lieu de réduire le marché parallèle, l’allocation augmentée pourrait indirectement l’alimenter.

Des exemples concrets d’abus potentiels

  • Une famille algérienne pourrait voyager en Tunisie pour quelques jours, dépenser une petite partie de son allocation et revendre le reste sur le marché noir à un taux bien supérieur.
  • Les habitants des zones frontalières avec la Tunisie seraient particulièrement avantagés par cette pratique.

La Tunisie au cœur des spéculations

Avec près de 2 millions de touristes algériens accueillis en Tunisie au premier semestre 2024, le voisin maghrébin est la principale destination des Algériens. Ce contexte complique la mise en œuvre de la réforme.

Les rumeurs et hypothèses en circulation

  1. Exclusion des voyageurs tunisiens : Une hypothèse suggère que les touristes se rendant en Tunisie ne seraient pas éligibles à l’augmentation de l’allocation.
  2. Séjour minimum exigé : Une autre spéculation avance l’obligation de prouver un séjour de 7 jours dans un hôtel pour bénéficier de l’allocation.

Ces pistes, bien qu’informelles, reflètent l’ampleur des préoccupations des autorités pour éviter que cette réforme ne profite au marché parallèle.

Le marché noir des devises : Une flambée inquiétante

L’absence de directives concrètes alimente les tensions sur le marché parallèle. Le 5 janvier 2025, alors que les banques continuaient d’appliquer l’ancien montant de l’allocation, l’euro a bondi à 257 dinars, contre 248,5 dinars la veille.

Un marché noir en pleine effervescence

Ce regain d’activité sur le marché parallèle démontre l’importance de la réforme pour stabiliser les devises. Sans garde-fous, le risque d’une envolée incontrôlée persiste.

Les défis logistiques et économiques d’une telle réforme

Multiplier l’allocation touristique par 7,5 pose des défis d’ampleur :

  1. Impact sur les réserves en devises
    L’augmentation de l’allocation signifie une pression accrue sur les réserves de devises de l’État. L’Algérie, fortement dépendante des revenus pétroliers, doit veiller à ne pas fragiliser davantage sa situation économique.
  2. Gestion bancaire
    Les banques devront s’adapter à une demande croissante, tant en termes de volumes de devises que de logistique.
  3. Prévention des abus
    L’État devra mettre en place des mécanismes rigoureux pour éviter que cette mesure ne soit détournée à des fins lucratives.

Une politique monétaire en quête d’équilibre

L’augmentation de l’allocation touristique s’inscrit dans une série de réformes économiques :

  • Plafonnement des exportations de devises à 7 500 euros par année civile.
  • Ouverture de bureaux de change agréés pour assécher le marché parallèle.

Ces mesures visent un objectif commun : revenir à un taux de change unique et unifier le marché des devises.

La lenteur décisionnelle : Une réforme à plusieurs inconnues

Le retard dans l’application de la réforme reflète un manque de préparation et d’anticipation des autorités. Les questions suivantes restent sans réponse :

  • Comment seront contrôlés les bénéficiaires de l’allocation ?
  • Quelles destinations seront éligibles ?
  • Quels seront les mécanismes de contrôle pour limiter les abus ?

Lecture critique : Une réforme nécessaire mais risquée

Les points positifs

  • Réduction potentielle du marché parallèle.
  • Amélioration de l’accès aux devises pour les citoyens.

Les risques

  • Une aggravation des déséquilibres financiers si la mesure est mal encadrée.
  • Un renforcement du marché noir en cas de détournement.

Une réforme sous haute surveillance

La nouvelle allocation touristique en Algérie est une mesure ambitieuse qui, si elle est bien exécutée, pourrait marquer un tournant dans la gestion des devises et l’économie nationale. Cependant, les incertitudes qui entourent sa mise en œuvre risquent de compromettre son succès.

À court terme, l’instabilité sur le marché noir des devises montre que les autorités doivent agir rapidement pour clarifier les modalités et rassurer la population. À long terme, cette réforme sera un test décisif pour la politique économique algérienne, confrontée à des choix cruciaux entre modernisation et gestion des risques.

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