La Grande Mosquée de Paris, otage de la crise entre la France et l’Algérie ?

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La Grande Mosquée de Paris, otage de la crise entre la France et l’Algérie ?

La Grande Mosquée de Paris (GMP) est au centre d’une tempête médiatique et politique, accusée par certains médias français et figures publiques de chercher à déstabiliser la France. Dans un contexte marqué par des relations déjà tendues entre l’Algérie et la France, cette institution centenaire a vivement réagi pour dénoncer ce qu’elle qualifie de « campagne calomnieuse intolérable ». Cette affaire soulève des questions sur l’usage politique de l’islam en France et les répercussions des crises bilatérales sur les institutions religieuses.

La Grande Mosquée de Paris : une cible dans une crise diplomatique

La crise entre l’Algérie et la France s’est amplifiée ces derniers mois, trouvant de nouveaux échos dans les accusations portées contre la Grande Mosquée de Paris. Chems-Eddine Hafiz, recteur de l’institution, a dénoncé une campagne calomnieuse initiée par des médias comme CNews, connu pour son ton polémique, et certains acteurs politiques et médiatiques liés à l’extrême droite.

Dans un communiqué publié le 6 janvier, la GMP a rejeté catégoriquement les accusations portées par des invités de CNews, notamment l’activiste algérien Chawki Benzehra, qui a insinué que la mosquée jouerait un rôle actif dans une prétendue déstabilisation de la France. Ces accusations, qualifiées de « graves » et « diffamantes », s’inscrivent, selon Hafiz, dans une stratégie de polarisation menée par l’extrême droite française.

CNews et l’extrême droite : des attaques coordonnées ?

La Grande Mosquée de Paris pointe directement le rôle de CNews dans cette campagne. Selon Hafiz, ce média aurait donné une tribune à des figures hostiles à l’islam en France, alimentant des stéréotypes et des discours de division. L’ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier Driencourt, y aurait tenu des propos similaires à ceux de Benzehra, renforçant les accusations contre l’institution.

Hafiz accuse également certains groupuscules idéologiques d’exploiter le contexte tendu pour discréditer la GMP et, plus largement, la communauté musulmane. « Cette campagne n’est pas un hasard », insiste-t-il, rappelant que la mosquée avait activement appelé à faire barrage à l’extrême droite lors des élections législatives de 2024, ce qui aurait exacerbé les tensions avec certains courants politiques.

Un silence inquiétant des autorités françaises

Le communiqué de la GMP ne cache pas son regret face à « l’absence de contradiction et le silence des autorités françaises ». La passivité des responsables politiques face à cette campagne calomnieuse est perçue comme une forme de complicité tacite. Dans un contexte où la laïcité est souvent instrumentalisée, ce silence soulève des interrogations sur l’engagement réel des institutions républicaines à protéger toutes les communautés religieuses.

Un rôle historique et constructif dans les relations franco-algériennes

Fondée en 1926 en hommage aux soldats musulmans ayant combattu pour la France pendant la Première Guerre mondiale, la Grande Mosquée de Paris est un édifice chargé d’histoire. Elle a toujours cultivé des liens étroits avec l’Algérie, son principal soutien financier et institutionnel. Ce lien est souvent perçu comme un double avantage : un ancrage solide pour les musulmans de France et un pont entre les deux rives de la Méditerranée.

Dans son communiqué, la GMP rappelle son rôle de médiateur et de vecteur de dialogue entre la France et l’Algérie, tout en revendiquant son indépendance. « Nous sommes une institution régie par la loi française, mais nos liens historiques avec l’Algérie renforcent notre mission de paix et de dialogue », déclare Hafiz.

Les répercussions d’une crise bilatérale

L’affaire met en lumière les répercussions des tensions diplomatiques sur les institutions religieuses. La détérioration des relations franco-algériennes, exacerbée par des différends politiques et mémoriels, semble se refléter dans les débats sur l’islam en France. Ce contexte nourrit des discours polarisants, renforçant les divisions au sein de la société française.

La Grande Mosquée de Paris, bien que neutre sur le plan politique, devient ainsi une cible facile pour des acteurs cherchant à instrumentaliser les crises diplomatiques dans leurs agendas idéologiques.

Une riposte juridique en préparation

La GMP se réserve le droit d’engager des poursuites contre les auteurs de ces allégations, qu’ils soient médiatiques ou individuels. Cette démarche vise à protéger non seulement l’institution, mais aussi la communauté musulmane de France contre la stigmatisation croissante.

Le recours à la justice pourrait marquer une étape importante dans la défense des droits des institutions religieuses face à des campagnes médiatiques jugées diffamatoires. « Nous n’hésiterons pas à agir légalement contre toute allégation mensongère », prévient Hafiz.

Une fracture grandissante : quelles perspectives ?

Cette affaire met en évidence une fracture grandissante entre une partie de l’opinion publique, influencée par les discours populistes, et les communautés musulmanes. Les accusations portées contre la Grande Mosquée de Paris reflètent un climat de suspicion généralisée qui menace le vivre-ensemble.

Pour Hafiz, la solution réside dans le dialogue et l’apaisement. Il appelle les citoyens français, toutes confessions confondues, à rejeter les discours de division et à travailler ensemble pour préserver l’harmonie sociale.

Une institution au cœur des turbulences

La Grande Mosquée de Paris se trouve aujourd’hui à un carrefour délicat, prise entre les feux croisés des tensions diplomatiques et des agendas idéologiques. Sa réaction ferme face aux accusations souligne sa volonté de défendre son intégrité et son rôle historique. Dans un contexte de crise bilatérale et de montée des extrêmes, l’avenir de cette institution dépendra de sa capacité à naviguer ces turbulences tout en restant fidèle à sa mission de paix et de dialogue.

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