La France, autrefois un acteur incontournable en Afrique, assiste à une érosion rapide de son influence sur le continent. Ce déclin, fruit d’un mélange d’arrogance néocoloniale et d’incapacité à s’adapter aux nouvelles réalités géopolitiques, s’accompagne de conséquences économiques et diplomatiques majeures. Alors que des puissances émergentes comme la Chine, la Russie et la Turquie s’implantent solidement, Paris semble prisonnière de stratégies dépassées. Dans ce contexte, les secteurs économiques clés, les relations bilatérales et le soft power français sont gravement fragilisés. Cette situation, qui marque un tournant historique, soulève des questions cruciales : la France est-elle condamnée à devenir un acteur secondaire en Afrique ?
Un recul commercial préoccupant : les chiffres d’un déclin
1. Une baisse significative des échanges commerciaux
Dans les années 1970, les échanges entre la France et l’Afrique représentaient 12 % du commerce extérieur français. En 2021, ce chiffre est tombé à 5 %, tandis que la Chine, désormais premier partenaire commercial du continent, dépasse les 250 milliards de dollars d’échanges annuels.
La Côte d’Ivoire, par exemple, autrefois considérée comme un bastion économique français, s’approvisionne aujourd’hui majoritairement auprès de la Chine, qui détient 18 % des parts de marché contre 12 % pour la France. Ce phénomène se répète dans d’autres pays :
- Sénégal : La France, historiquement prédominante, est maintenant devancée par des acteurs comme l’Inde et la Turquie.
- Algérie : Les importations françaises, qui représentaient 16 % en 2000, sont tombées à 10 % en 2020, remplacées par des fournisseurs chinois, turcs et même locaux.
2. Une diversification des partenaires africains
Les gouvernements africains se détournent progressivement de la France pour diversifier leurs partenaires. Pékin propose des financements attractifs et rapides, tandis que la Russie et la Turquie s’imposent dans des secteurs stratégiques comme la défense, l’énergie et les infrastructures. Cette diversification réduit considérablement la dépendance à Paris, tout en limitant l’accès des entreprises françaises aux marchés africains.
Les secteurs économiques français durement touchés
1. L’énergie : un secteur vital fragilisé
La France a longtemps dépendu des ressources énergétiques africaines pour assurer une partie de son approvisionnement en pétrole et en gaz. TotalEnergies, acteur majeur dans ce domaine, a bénéficié de contrats stratégiques dans des pays comme l’Algérie, l’Angola et le Gabon.
Cependant, cette domination est sérieusement remise en question :
- Algérie : Fournisseur historique de gaz pour la France, Alger privilégie désormais des partenariats avec l’Italie et d’autres acteurs européens, réduisant les flux vers Paris.
- Angola et Gabon : Ces pays, autrefois proches de la France, explorent désormais des partenariats avec la Chine et les États-Unis, fragilisant davantage les positions françaises.
La perte de ces approvisionnements pourrait entraîner une hausse des coûts énergétiques en France, aggravant une crise déjà exacerbée par la guerre en Ukraine.
2. Les infrastructures : la domination française remise en cause
Les entreprises françaises telles que Vinci, Bouygues et Alstom, autrefois leaders sur le marché africain des infrastructures, perdent de plus en plus de contrats. La Chine, grâce à des financements massifs et des projets clés en main, domine désormais ce secteur.
Exemples :
- Projet ferroviaire au Kenya : Remporté par la Chine, malgré une offre concurrente de la France.
- Construction d’autoroutes au Sénégal : La Turquie s’impose en proposant des délais plus courts et des coûts réduits.
3. Les exportations françaises en chute libre
Les produits français, autrefois synonymes de qualité en Afrique, sont de plus en plus concurrencés par des alternatives asiatiques, indiennes et même africaines. Cela concerne plusieurs secteurs clés :
- Pharmaceutique : Les produits indiens et chinois remplacent progressivement les médicaments français, souvent jugés trop coûteux.
- Agroalimentaire : Les marques françaises comme Danone et Lactalis perdent du terrain face à des acteurs locaux et asiatiques.
- Produits de luxe : Les campagnes de boycott, notamment en Afrique de l’Ouest, ont un impact direct sur les ventes des marques françaises comme LVMH et Hermès.
Un rejet croissant de la présence française
1. L’essor des sentiments anti-français
Dans plusieurs pays africains, le sentiment anti-français ne cesse de croître. Des décennies d’ingérence politique, de soutien à des régimes impopulaires et d’interventions militaires jugées colonialistes ont nourri une hostilité profonde. Ce rejet se manifeste par des manifestations, des attaques contre des symboles français et des appels au boycott.
Exemples récents :
- Mali : En 2022, la France a été contrainte de retirer ses troupes après des manifestations massives et la rupture des relations avec le gouvernement malien.
- Burkina Faso : En 2023, des milliers de manifestants ont exigé le départ des forces françaises, accusées de favoriser l’instabilité pour protéger leurs intérêts économiques.
2. Les campagnes de boycott
Les produits français sont devenus la cible d’une série de campagnes de boycott. Ces actions, largement relayées sur les réseaux sociaux, touchent des secteurs stratégiques comme l’agroalimentaire et les produits pharmaceutiques.
Exemple :
- Au Maroc, les appels au boycott de Danone ont entraîné une chute significative des ventes, forçant l’entreprise à revoir ses stratégies de distribution.
La débâcle diplomatique : une perte de leadership
1. La coopération sécuritaire en déroute
La présence militaire française, historiquement utilisée comme levier de contrôle, est aujourd’hui perçue comme une ingérence. La fermeture des bases au Mali, au Burkina Faso et en République centrafricaine illustre cette perte d’influence.
Conséquences :
- Une coopération affaiblie dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, où la France cède du terrain à la Russie, via le groupe Wagner.
- Une exposition accrue des entreprises françaises aux risques sécuritaires dans des régions instables.
2. La marginalisation dans les institutions africaines
La France perd également son poids dans des organisations comme l’Union africaine, où elle est éclipsée par des acteurs comme la Chine et la Russie. Cette marginalisation complique la signature de nouveaux accords économiques et réduit l’accès de Paris aux marchés africains.
3. Une influence culturelle en déclin
La francophonie, autrefois un puissant outil de soft power, recule face à l’anglais et aux langues locales. Cette perte d’influence culturelle affaiblit la position de la France dans des domaines comme l’éducation, les médias et la coopération scientifique.
Les bénéfices pour l’Afrique : un continent en quête de souveraineté
1. Une diversification des partenariats
Les pays africains, lassés de la domination française, se tournent vers des partenaires offrant des conditions plus avantageuses. La Chine, par exemple, investit massivement dans des projets d’infrastructures, tandis que la Russie propose des solutions militaires adaptées aux besoins locaux.
2. Une souveraineté économique renforcée
En réduisant leur dépendance à l’égard de Paris, les pays africains reprennent le contrôle de leurs ressources naturelles et de leurs décisions économiques. Cela leur permet de négocier des accords plus favorables avec d’autres acteurs internationaux.
3. Une montée en puissance diplomatique
En s’émancipant de l’influence française, les nations africaines consolident leur position sur la scène internationale. L’Union africaine, par exemple, joue un rôle accru dans les négociations mondiales, souvent en opposition aux intérêts français.
une France affaiblie, un continent qui s’émancipe
La perte d’influence française en Afrique est le résultat direct d’une arrogance persistante et d’une incapacité à évoluer avec le temps. Ce déclin économique, diplomatique et culturel illustre l’échec d’une stratégie néocoloniale qui a aliéné des partenaires clés.
Pendant que la France s’enfonce dans une marginalisation auto-infligée, l’Afrique profite de cette transition pour renforcer sa souveraineté et diversifier ses alliances. Si Paris souhaite éviter une perte totale de son rôle en Afrique, elle devra opérer un virage stratégique en abandonnant son paternalisme et en construisant des partenariats respectueux et équitables. Faute de quoi, la France continuera à payer le prix de son passé colonial, laissant la Chine, la Russie et d’autres puissances récolter les fruits de son déclin.