Grande Mosquée de Paris : l’Épicentre d’une Offensive Politique et Médiatique

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Grande Mosquée de Paris ’Épicentre d’une Offensive Politique et Médiatique

La Grande Mosquée de Paris (GMP) se retrouve dans l’œil du cyclone. Depuis plusieurs mois, cette institution centenaire, dirigée par Chems-Eddine Hafiz, essuie des attaques d’une rare virulence. Au-delà des habituelles controverses autour de la place de l’islam en France, la GMP est désormais accusée de « déstabiliser la France » et de mener un « juteux système financier » via sa certification halal. À l’arrière-plan, la crise diplomatique entre Paris et Alger ajoute de l’huile sur le feu, cristallisant les tensions sur l’influence algérienne au sein de la mosquée.

Des attaques ciblées depuis l’éclatement de la crise franco-algérienne

Le lien algérien dans la ligne de mire

La Grande Mosquée de Paris a toujours assumé ses liens historiques avec l’Algérie. Comme le rappelle régulièrement Chems-Eddine Hafiz, le recteur actuel, une « double appartenance franco-algérienne » est inscrite dans l’ADN de l’institution. Mais depuis la montée des tensions entre Paris et Alger, les accusations fusent : la GMP serait une tête de pont algérienne visant à influencer la communauté musulmane française.

Cette suspicion est alimentée par des personnalités de l’extrême-droite française ou des acteurs politiques hostiles à tout rapprochement franco-algérien. Ils pointent du doigt le « financement étranger » de la mosquée et l’implication d’Alger, y voyant une menace à la souveraineté nationale française.

Un contexte de crise diplomatique

L’arrestation d’influenceurs algériens en France pour « appels à la violence » a servi de déclencheur. Des plateaux télévisés comme CNews ont relié ces événements à une prétendue stratégie de déstabilisation orchestrée par la GMP, sur la base de rumeurs. Par la suite, des personnalités politiques et médiatiques ont relayé ces accusations, sans fournir de preuves tangibles.

Dans un communiqué daté du 6 janvier, la Grande Mosquée de Paris a exprimé sa vive protestation, qualifiant cette campagne de « malveillante » et motivée par un désir de décrédibiliser une institution musulmane de premier plan. Selon la GMP, cette cabale n’est pas fortuite mais résulte d’une volonté de nuire à la relation, déjà fragile, entre la France et l’Algérie.

Le dossier explosif de la certification halal

Un mandat exclusif de l’Algérie

En 2023, les autorités algériennes ont accordé à la Mosquée de Paris l’exclusivité de la certification halal pour tous les produits destinés à l’Algérie depuis l’Union européenne ou le reste du monde. Un tournant majeur, qui offre à la GMP un rôle central dans un marché en expansion, celui de l’alimentation halal.

Pour ses détracteurs, ce monopole serait le prétexte à une manne financière. Ils accusent la mosquée de profiter de son statut pour taxer les agriculteurs et industriels européens, en vertu d’un « certificat halal » obligatoire pour pénétrer le marché algérien.

Attaques politiques et menaces judiciaires

Le vice-président du parti Les Républicains, François-Xavier Bellamy, a alerté la Commission européenne, l’appelant à stopper ce qu’il qualifie de « système d’extorsion ». Dans la foulée, un député du Rassemblement national, Matthias Renault, a saisi le parquet de Paris pour enquêter sur la gestion financière de la certification halal.

Les plaignants affirment que la GMP réalise des profits substantiels, chiffrés en « millions d’euros », et que cet argent servirait à des fins opaques. Pour sa défense, Chems-Eddine Hafiz assure que « tout est tracé, maîtrisé, déclaré » et que l’argent est réinvesti dans des activités cultuelles, conformément à la loi de 1905 sur la laïcité.

Les accusations de sabotage et la riposte de Chems-Eddine Hafiz

Des attaques menées par l’extrême-droite et le lobby marocain

Si l’on en croit la GMP, cette offensive se double d’un activisme intense de certains milieux proches du Maroc, qui voient dans la crise franco-algérienne un levier pour faire valoir l’influence marocaine. Des messages publiés sur X, par exemple, suggèrent de « confier la gestion de la Grande mosquée de Paris au Maroc ».

En parallèle, des médias marocains ont relayé l’idée que la mosquée avait des origines marocaines, afin de légitimer une telle prise de contrôle. Selon Hafiz, cette thèse relève d’une « pure invention » qui s’inscrit dans un rapport de forces entre Rabat et Alger.

Une campagne médiatique « sans précédent »

Qualifiant la situation de « campagne médiatique sans précédent », Chems-Eddine Hafiz dénonce les « attaques mensongères » dont la GMP est la cible. Il rappelle que l’Algérie a financé la restauration de la mosquée depuis 1982, respectant les lois françaises en vigueur.

Ces interventions se veulent rassurantes pour les fidèles musulmans de France, qui craignent une stigmatisation accrue. Hafiz souligne l’importance d’une mosquée de Paris « franco-algérienne », désireuse de promouvoir un islam apaisé et conforme à la législation républicaine.

Les enjeux pour l’islam de France et la communauté musulmane

Douter de sa place en France ?

À travers ces attaques, c’est l’ensemble de la communauté musulmane qui se sent mise en cause. Comme le constate Chems-Eddine Hafiz, « de nombreux Français de confession musulmane en viennent à douter de leur place et de leur futur dans leur propre pays ». Le poids médiatique de ces polémiques peut alimenter un climat de méfiance à l’égard des institutions musulmanes, perçues comme des instruments d’influence étrangère.

Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large d’interrogations sur l’organisation de l’islam en France. Les tentatives de structuration, via le Conseil français du culte musulman (CFCM) ou d’autres instances, ont souvent achoppé sur la question des ingérences étrangères. La crise entre Paris et Alger ne fait qu’aviver les soupçons et rendre plus difficiles les relations entre l’État et les cultes.

À la croisée de plusieurs réalités

La Mosquée de Paris occupe une position symbolique forte : elle est à la fois un monument historique, un lieu de culte majeur et un point de rencontre entre la France et le Maghreb. Les accusations dont elle fait l’objet reflètent les tensions géopolitiques régionales, mais aussi les crispations françaises autour de la laïcité et de l’immigration.

Les observateurs soulignent l’importance de préserver un dialogue constructif, afin de ne pas compromettre la sécurité des fidèles et de ne pas alimenter un discours islamophobe. Toutefois, tant que la situation diplomatique entre la France et l’Algérie demeurera tendue, la GMP risque de rester une cible privilégiée pour ceux qui désirent mettre en scène un « ennemi intérieur ».

Conclusion

La Grande Mosquée de Paris se trouve plus que jamais sous les feux de la rampe, accusée de toutes parts à cause de sa relation historique avec l’Algérie et de son rôle dans la certification halal. Derrière les accusations de « déstabilisation » ou de « système financier juteux », transparaît une volonté politique de frapper là où la symbolique est forte : l’institution religieuse musulmane la plus importante de France.

Chems-Eddine Hafiz, face à cette campagne d’hostilité, oppose la transparence et la légalité, rappelant que tout le dispositif de certification halal est contrôlé et validé par les lois françaises. Reste à savoir si cette justification suffira à éteindre l’incendie. Les projets visant à remettre en cause le statut même de la mosquée, voire à faire intervenir d’autres puissances étrangères, pourraient encore compliquer la donne.

Dans un contexte où l’islam de France peine à trouver sa voie, cette crise met en exergue la nécessité d’une coopération intelligente entre l’État, les institutions religieuses et les pays d’origine des fidèles. Mais tant que la situation diplomatique entre Alger et Paris restera électrique, la Grande Mosquée de Paris, avec son lien assumé à l’Algérie, continuera d’être prise pour cible.

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