Une voix discordante face à la surenchère politique
Dans un climat politique marqué par une escalade verbale envers l’Algérie, Dominique de Villepin, ancien Premier ministre et figure respectée de la diplomatie française, s’oppose frontalement aux appels à la suppression de l’accord franco-algérien de 1968. Face à des responsables politiques comme Bruno Retailleau, qui plaident pour une rupture franche avec Alger, de Villepin alerte sur les conséquences désastreuses d’une telle approche, qualifiant ces appels de « coup porté à l’Algérie ».
Dans une interview accordée à Edwy Plenel pour Mediapart, de Villepin a exprimé son profond désaccord avec ceux qui, selon lui, exploitent les relations avec l’Algérie à des fins électoralistes, au mépris des enjeux historiques et culturels qui unissent les deux pays.
L’accord de 1968 : un symbole sous attaque
L’accord franco-algérien de 1968, signé dans la foulée de l’indépendance algérienne, accorde des facilités aux Algériens pour l’obtention de titres de séjour et de visas en France. Ce cadre, destiné à maintenir des relations privilégiées, est aujourd’hui au centre d’une polémique.
Des figures politiques, notamment Bruno Retailleau et Gabriel Attal, appellent à son abrogation, estimant qu’il constitue une inégalité vis-à-vis des autres nationalités. Cependant, pour Dominique de Villepin, cette démarche est une erreur stratégique et morale.
« Quand on a l’histoire que nous partageons avec l’Algérie, peut-on réduire notre relation à une décision aussi brutale ? Supprimer l’accord de 1968, c’est envoyer un signal de rejet, c’est donner un coup à l’Algérie », a-t-il déclaré avec fermeté.
Selon de Villepin, cet accord dépasse les simples questions administratives. Il incarne un lien historique profond et un engagement mutuel entre deux nations marquées par une histoire commune complexe.
Une diplomatie guidée par la surenchère populiste
Dominique de Villepin ne mâche pas ses mots pour critiquer la manière dont certains responsables politiques manipulent les relations franco-algériennes à des fins populistes. « Aujourd’hui, on joue avec la diplomatie comme on joue avec des sondages. On progresse dans les likes et les vues en employant des marqueurs de fermeté et d’exclusion », a-t-il affirmé.
Ce constat vise directement Bruno Retailleau et d’autres figures de la droite dure, qui font de la rupture avec l’Algérie un thème central de leur discours. Cette surenchère, estime de Villepin, risque d’aggraver les tensions et de provoquer des conséquences durables pour les relations bilatérales.
Une fracture au sein de la classe politique française
Face à cette escalade, des voix de la raison émergent pour appeler à l’apaisement. Jean-Luc Mélenchon, leader de La France Insoumise, a condamné les discours agressifs visant l’Algérie, insistant sur les liens humains qui unissent les deux pays. « Nous ne voulons pas de guerre avec l’Algérie. Ce sont nos frères et nos sœurs. Il est temps de privilégier le dialogue au lieu de toujours montrer du doigt », a-t-il déclaré.
Ségolène Royal, ancienne candidate à la présidentielle, a également pris position contre la stigmatisation de l’Algérie, soulignant l’importance d’une approche diplomatique respectueuse. Même Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a exprimé son désaccord avec l’intrusion de certains responsables, rappelant que la politique étrangère doit être menée par le Quai d’Orsay, sous l’autorité du président de la République.
Les risques d’une rupture avec l’Algérie
La suppression de l’accord de 1968 ne serait pas sans conséquences. Dominique de Villepin alerte sur les risques d’une rupture brutale avec l’Algérie, un partenaire stratégique pour la France, notamment en matière d’énergie et de sécurité régionale.
L’Algérie, principal fournisseur de gaz pour l’Europe, pourrait revoir ses engagements économiques avec la France si les tensions diplomatiques s’aggravent. En outre, une rupture risquerait de limiter la coopération sur des questions cruciales comme l’immigration clandestine et la lutte contre le terrorisme.
Sur le plan interne, une telle décision pourrait exacerber les tensions sociales en France, en alimentant un climat de division et de stigmatisation au sein de la diaspora algérienne.
un appel à la raison
Dominique de Villepin incarne une voix de sagesse dans un débat marqué par la surenchère et la polarisation. Pour lui, la diplomatie française doit s’appuyer sur le dialogue et le respect mutuel, plutôt que sur des décisions unilatérales guidées par des calculs électoralistes.
La relation entre la France et l’Algérie, bien que complexe, repose sur des liens profonds et historiques qu’il serait dangereux de négliger. Si la France souhaite préserver son influence et sa crédibilité, elle devra éviter les pièges du populisme et privilégier une politique étrangère réfléchie et équilibrée.