Le dinar algérien vacille. Face au dollar et à l’euro, la monnaie nationale s’effrite, plongeant les Algériens dans une crise économique sans précédent. Sur le marché noir, le dollar frôle les 248 dinars, tandis que l’euro dépasse les 254 dinars. Ces niveaux records, inédits depuis décembre 2024, révèlent l’ampleur du déséquilibre entre l’offre et la demande de devises. Derrière ces chiffres se cache une réalité brutale : inflation galopante, pouvoir d’achat en chute libre, et un marché noir qui prospère malgré les mesures des autorités. Plongée dans une crise monétaire qui menace la stabilité du pays.
Le dinar sous pression : un naufrage économique
Le 20 janvier 2025, le dollar américain atteint 247,5 dinars sur le marché noir, à un souffle de son record historique de 248 dinars. Cette hausse s’inscrit dans une tendance inquiétante : en quelques mois, le billet vert a grignoté la valeur du dinar, plongeant les ménages et les entreprises dans une spirale infernale. Pour obtenir 100 dollars, il faut désormais débourser 24.750 dinars, soit plus que le salaire minimum algérien (20.000 dinars). Une aberration qui illustre la déroute de la monnaie nationale.
L’euro n’est pas en reste. À 254 dinars, la monnaie unique européenne maintient une pression insoutenable sur le dinar. Bien qu’en deçà de son record de 262 dinars en décembre 2024, l’euro reste une épée de Damoclès pour l’économie algérienne. Cette double offensive du dollar et de l’euro asphyxie les finances des ménages et des entreprises, tout en alimentant un marché noir florissant.
Les racines du mal : pourquoi le dinar s’effondre
Le marché noir des devises est le symptôme d’une économie malade. Malgré les contrôles renforcés et les sanctions, il prospère, alimenté par une demande insatiable de dollars et d’euros. Les Algériens se tournent vers ce circuit parallèle pour financer des études à l’étranger, des soins médicaux en Europe ou en Tunisie, ou simplement pour importer des biens de première nécessité. Cette réalité révèle l’échec des politiques de contrôle des changes, qui n’ont pas su endiguer la spéculation ni répondre aux besoins réels de la population.
L’économie algérienne repose sur un pilier fragile : les hydrocarbures. Avec plus de 90 % des exportations dépendantes du pétrole et du gaz, le pays est à la merci des fluctuations des cours mondiaux. La baisse des réserves de change, combinée à une production en berne, a privé la Banque d’Algérie des moyens nécessaires pour défendre le dinar. Cette dépendance aux hydrocarbures, héritage d’un modèle économique peu diversifié, coûte cher à l’économie nationale et expose le pays aux chocs externes.
Les restrictions sur les transferts de devises et les importations ont aggravé la situation. En limitant l’accès aux devises sur le marché officiel, les autorités ont poussé les citoyens et les entreprises vers le marché noir. Cette politique, bien qu’intentionnée, s’est révélée contre-productive. Elle a alimenté la spéculation, creusé l’écart entre les cours officiels et parallèles, et renforcé la méfiance des citoyens envers les institutions financières.
Les conséquences : une société au bord de la rupture
La dépréciation du dinar a un impact direct sur les prix. Les produits importés, des denrées alimentaires aux médicaments, deviennent inaccessibles pour de nombreux Algériens. L’inflation ronge le pouvoir d’achat, plongeant des milliers de familles dans la précarité. Avec un salaire minimum de 20.000 dinars, survivre devient un défi quotidien. Les prix des produits de base, comme l’huile, la farine ou les produits laitiers, ont augmenté de manière significative, mettant à mal le budget des ménages.
Les entreprises, notamment celles dépendantes des importations, sont en première ligne. La hausse des coûts de production menace leur survie, entraînant des fermetures et des licenciements. Les secteurs de l’industrie et de l’agriculture, déjà fragilisés, sont au bord de l’effondrement. Les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent une part importante de l’économie, sont particulièrement touchées. Beaucoup d’entre elles sont contraintes de réduire leurs activités ou de fermer leurs portes, faute de pouvoir absorber les coûts supplémentaires liés à la dépréciation du dinar.
Financer les études d’un enfant à l’étranger ou se faire soigner en Europe devient un luxe réservé à une élite. Pour la majorité des Algériens, ces dépenses sont désormais hors de portée, creusant les inégalités sociales et privant le pays de ses forces vives. Les familles qui autrefois envoyaient leurs enfants étudier en France, au Canada ou en Turquie se retrouvent aujourd’hui confrontées à des frais exorbitants. De même, les patients nécessitant des soins spécialisés à l’étranger sont souvent contraints de renoncer à leur traitement, faute de moyens.
Les réponses des autorités : des mesures insuffisantes
Les autorités ont renforcé les contrôles aux frontières et sanctionné les opérateurs illégaux. Mais ces mesures, souvent spectaculaires, ne s’attaquent pas aux causes profondes du problème. Sans réformes structurelles, le marché noir continuera de prospérer. Les raids menés contre les changeurs illégaux et les saisies de devises ont certes un impact à court terme, mais ils ne résolvent pas le problème de fond : la pénurie de devises sur le marché officiel.
La Banque d’Algérie maintient des cours officiels stables (135,65 dinars pour le dollar et 139,9 dinars pour l’euro), mais ces chiffres ne reflètent pas la réalité du marché. Cette distorsion mine la crédibilité des institutions et alimente la méfiance des citoyens. Les entreprises et les particuliers préfèrent se tourner vers le marché noir, où les cours sont plus avantageux, même si cela implique des risques légaux.
Pour enrayer la crise, des réformes profondes sont nécessaires : diversification de l’économie, réduction de la dépendance aux hydrocarbures, et amélioration du climat des affaires. Mais ces mesures se heurtent à des résistances politiques et sociales, ralentissant leur mise en œuvre. Les réformes économiques, bien que cruciales, nécessitent un consensus politique et une volonté de changement qui font souvent défaut.
Perspectives : l’Algérie à la croisée des chemins
La diversification de l’économie est une question de survie. Le développement des secteurs de l’agriculture, de l’industrie et des services pourrait réduire la dépendance aux hydrocarbures et créer des emplois. Mais cette transition nécessite une volonté politique forte et des investissements massifs. L’Algérie dispose d’un potentiel énorme dans des secteurs comme l’agroalimentaire, les énergies renouvelables et le tourisme. Cependant, exploiter ce potentiel nécessite des réformes structurelles, une meilleure gouvernance et un climat des affaires plus favorable.
Une libéralisation contrôlée du marché des changes, accompagnée de mesures de transparence, pourrait réduire l’écart entre les cours officiels et parallèles. Cette réforme, bien que risquée, est essentielle pour rétablir la confiance. En permettant une plus grande flexibilité dans les transactions de devises, les autorités pourraient réduire l’attrait du marché noir et stabiliser le dinar.
L’Algérie ne peut pas relever seule ces défis. Une coopération avec des institutions comme le FMI ou la Banque mondiale pourrait apporter un soutien technique et financier, tout en encourageant les réformes nécessaires. Ces institutions pourraient également aider à moderniser le système financier algérien et à renforcer la transparence dans la gestion des ressources publiques.
Une crise qui appelle des solutions radicales
La déroute du dinar algérien est le symptôme d’une économie en panne. Face à la montée en flèche du dollar et de l’euro, les autorités doivent agir vite et fort. Sans réformes courageuses, le pays risque de sombrer dans une crise sociale et économique sans précédent. L’heure des choix a sonné pour l’Algérie : se réformer ou s’effondrer.
La crise du dinar n’est pas qu’une question de chiffres. C’est le reflet d’un système économique à bout de souffle, miné par la dépendance aux hydrocarbures, la corruption et l’absence de vision à long terme. Les Algériens paient aujourd’hui le prix de décennies de mauvaise gestion. Pour éviter l’effondrement, il faut plus que des mesures cosmétiques : une refonte totale de l’économie, une gouvernance transparente, et une volonté politique inébranlable. Le temps presse, et les Algériens méritent mieux qu’un avenir incertain.