Entre janvier et septembre 2024, l’Algérie a connu une forte baisse de ses exportations. Pendant la même période, ses importations ont augmenté. Ces deux phénomènes ont mené à une chute importante de l’excédent commercial. Selon l’Office national des statistiques (ONS), cette situation souligne la fragilité de l’économie algérienne.
Un regard rapide sur les chiffres
Exportations en recul
- Les exportations ont atteint 4 960,5 milliards de dinars de janvier à septembre 2024.
- Elles étaient de 5 584,8 milliards de dinars durant la même période en 2023.
- Cela représente une baisse de 11,2 %.
Cette diminution provient surtout du recul des ventes d’hydrocarbures. Ces dernières sont vitales pour l’économie algérienne. Quand les prix du pétrole et du gaz baissent sur les marchés mondiaux, l’Algérie perd une part importante de ses revenus.
Importations en hausse
- Les importations ont atteint 4 628,8 milliards de dinars sur les neuf premiers mois de 2024.
- Elles étaient de 4 288,9 milliards de dinars en 2023 durant la même période.
- Il s’agit d’une hausse de 7,9 %.
Les quantités importées ont augmenté de plus de 13 %, alors que les prix à l’importation ont reculé d’environ 4,7 %. En clair, l’Algérie achète plus de biens, même si le coût unitaire a un peu baissé.
Chute de l’excédent commercial
- L’excédent commercial est passé de 1 295,9 milliards de dinars à 331,7 milliards de dinars.
- Il s’agit d’une baisse de 74,4 %.
Ce résultat témoigne d’un déséquilibre entre les exportations et les importations. Il y a moins d’argent qui entre dans le pays, et davantage qui en sort. Cette situation est problématique pour les réserves de change et la stabilité financière du pays.
Pourquoi ces chiffres sont-ils préoccupants ?
L’Algérie dépend toujours en grande partie de ses revenus tirés du pétrole et du gaz. Quand les prix baissent sur le marché mondial, les recettes de l’État algérien diminuent fortement. Cette dépendance place l’économie dans une situation fragile. De plus, les efforts pour diversifier la production nationale restent limités.
Le pays importe beaucoup de biens, y compris des produits de base comme la nourriture, les médicaments et les équipements industriels. Cette hausse des volumes importés implique une plus grande dépense en devises. Si les exportations ne compensent pas, les réserves de change risquent de s’épuiser plus vite.
La couverture des importations par les exportations est passée de 130,2 % à 107,2 %. Cela veut dire que les revenus à l’export couvrent de moins en moins les achats à l’étranger. À terme, cette baisse peut créer une pression sur le dinar, la monnaie nationale.
Facteurs externes : un contexte mondial peu favorable
Le marché pétrolier est soumis à de nombreux chocs, liés par exemple aux décisions de l’OPEP+, à la demande mondiale ou encore à la concurrence d’autres sources d’énergie. Une simple baisse du baril de quelques dollars peut avoir un impact direct sur les recettes algériennes.
Les tensions commerciales, la hausse des taux d’intérêt dans certains pays et les incertitudes géopolitiques freinent les échanges mondiaux. Les acheteurs internationaux sont plus prudents, et les prix de certaines matières premières fluctuent fortement. Dans ce climat, l’Algérie subit des effets négatifs sur ses ventes à l’étranger.
Sur le plan énergétique, d’autres acteurs (États-Unis, pays africains, etc.) gagnent en puissance. L’Algérie fait face à une concurrence de plus en plus rude pour placer ses hydrocarbures. Les clients ont donc le choix et peuvent négocier des tarifs plus avantageux.
Facteurs internes : une économie peu diversifiée
Depuis des années, les autorités algériennes parlent de diversification. Pourtant, la part des exportations hors hydrocarbures reste modeste. Les secteurs de l’agriculture, de l’industrie ou des services n’arrivent pas à combler le vide quand les ventes d’hydrocarbures stagnent ou reculent.
Beaucoup d’entreprises algériennes font face à des lourdeurs administratives, un cadre juridique complexe et un accès limité aux financements. Cela limite leur capacité à innover, à se moderniser et à conquérir des marchés internationaux.
La compétitivité prix et qualité des produits algériens reste insuffisante. Les entreprises locales souffrent de coûts de production élevés, de difficultés d’approvisionnement en matières premières et d’un manque de savoir-faire dans certains domaines.
Répercussions sur l’économie nationale
Moins d’entrées de devises et plus de sorties pour les importations : la balance des paiements se détériore. Les réserves de change servent à régler les achats à l’étranger et à soutenir le dinar. Si elles baissent trop, l’Algérie pourrait faire face à des difficultés pour importer ou pour maintenir la valeur de sa monnaie.
Les recettes fiscales liées aux hydrocarbures constituent une large part du budget de l’État algérien. Si ces recettes diminuent, le financement des subventions, des infrastructures et des dépenses sociales devient plus compliqué. Dans un contexte de demandes sociales importantes, cela peut être source de tensions.
Les emplois dans l’industrie et les secteurs exportateurs risquent de souffrir si la situation ne s’améliore pas. Quand les exportations reculent, les usines tournent au ralenti, et les entreprises ont moins de marge pour embaucher ou investir.
Que faire pour redresser la balance commerciale ?
Pour rompre avec la dépendance aux hydrocarbures, l’Algérie doit développer d’autres filières exportatrices. L’agro-industrie, les industries manufacturières légères ou les services numériques peuvent offrir des débouchés si l’environnement économique est propice.
L’État pourrait accorder des avantages fiscaux aux entreprises qui exportent. Des facilités bancaires, des formations et des aides à la prospection de marchés extérieurs seraient aussi utiles. Ce soutien doit être ciblé et s’accompagner d’un cadre stable pour encourager la productivité et la qualité.
Mieux réguler les importations peut aider à rééquilibrer la balance commerciale. Il s’agit de privilégier les produits indispensables comme les médicaments ou certains équipements stratégiques, tout en limitant l’entrée de biens superflus. Le but est de stimuler la production locale, à condition de ne pas créer des pénuries.
Des réformes structurelles sont nécessaires : simplifier les démarches administratives, protéger davantage les investisseurs, renforcer la justice commerciale, etc. Cela demande une volonté politique forte et une coopération avec les acteurs économiques nationaux et internationaux.
Enseignements tirés d’autres pays
Des pays d’Asie ont su transformer leurs économies en misant sur les exportations de produits manufacturés. Avec des politiques incitatives, un soutien à la formation et à l’innovation, ils ont réussi à percer sur les marchés mondiaux. L’Algérie pourrait s’inspirer de ces stratégies adaptées à son contexte.
Nouer des partenariats avec des entreprises étrangères peut accélérer le transfert de technologies. Cela peut aussi ouvrir des voies d’exportation. Dans certains cas, des accords de libre-échange ou des coentreprises ont permis à des secteurs de se développer plus vite.
Certains pays dotés de ressources pétrolières ou gazières ont créé des fonds souverains pour gérer la rente. Cela leur permet de lisser les chocs de prix sur le long terme et de financer des projets structurants. L’Algérie dispose déjà d’instruments, mais ils pourraient être renforcés.
Scénarios à court et moyen terme
Scénario pessimiste
Si les prix des hydrocarbures restent bas ou si la production recule, l’Algérie risque de voir ses recettes continuer à chuter. Les importations ne ralentissant pas, le solde commercial deviendrait de plus en plus négatif. Les réserves de change s’épuiseraient, entraînant des difficultés pour l’approvisionnement et la stabilité monétaire.
Scénario intermédiaire
Dans un contexte de stagnation des prix du pétrole et du gaz, l’Algérie parviendrait à conserver un léger excédent, grâce à des mesures pour maîtriser les importations. Ce scénario suppose que les exportations hors hydrocarbures commencent à progresser lentement, limitant la casse sans résoudre les problèmes de fond.
Scénario optimiste
Avec une hausse des prix des hydrocarbures ou une meilleure diversification, les exportations pourraient repartir à la hausse. Des réformes réussies encourageraient la production locale et la substitution aux importations. L’excédent commercial se stabiliserait, voire s’améliorerait. Cependant, ce scénario exige un engagement fort et soutenu.
Rôle des acteurs clés pour une relance
Le gouvernement
Il doit mettre en place un cadre légal stable et transparent. Il est urgent de réformer la fiscalité, le commerce extérieur, la formation et l’innovation. L’État peut aussi stimuler les partenariats publics-privés et consolider les infrastructures.
Les entreprises locales
Elles doivent améliorer leur compétitivité, innover et élargir leur gamme de produits. Pour cela, elles ont besoin de soutien technique, de financement et d’un accès plus facile aux technologies modernes.
Les investisseurs étrangers
Les investisseurs étrangers peuvent apporter des capitaux, du savoir-faire et des débouchés. Pour les attirer, il faut un climat rassurant, une simplification administrative et la garantie de pouvoir rapatrier les bénéfices. Les coentreprises locales sont souvent un moyen efficace de gagner en efficacité.
La société civile et le secteur financier
Les banques peuvent proposer des crédits à taux préférentiels pour les projets d’export. Les associations professionnelles, les chambres de commerce et les universités ont un rôle à jouer pour diffuser les bonnes pratiques et organiser des salons professionnels. Les syndicats, enfin, peuvent encourager la formation continue pour développer les compétences de la main-d’œuvre.
un appel à la transformation
Les neuf premiers mois de 2024 montrent que le commerce extérieur algérien est à la croisée des chemins. L’excédent commercial a fondu, passant de 1 295,9 milliards de dinars à 331,7 milliards de dinars. Les exportations ont reculé, tandis que les importations ont progressé. Ce déséquilibre reflète la dépendance aux hydrocarbures, le manque de diversification et l’insuffisance de la production locale.
Pour inverser cette tendance, l’Algérie doit engager des réformes structurelles ambitieuses. Cela passe par la promotion des exportations hors hydrocarbures, la rationalisation des importations et la création d’un environnement favorable à l’investissement et à l’innovation. Les défis sont nombreux, mais les opportunités existent pour bâtir une économie plus résistante aux chocs, plus inclusive et plus tournée vers l’avenir.
Derrière ces chiffres, il y a la question de la souveraineté économique, de l’emploi et du bien-être de la population algérienne. Les décisions prises aujourd’hui façonneront la trajectoire du pays pour les prochaines décennies. Il appartient aux pouvoirs publics, aux entreprises et aux citoyens de s’emparer de ces enjeux, afin de construire une Algérie forte, capable de tirer parti de ses ressources et d’assurer un développement durable.