Classement des puissances militaires 2025 : l’Algérie peut-elle rivaliser avec les plus grandes armées du monde ?

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Classement des puissances militaires 2025 : l’Algérie peut-elle rivaliser avec les plus grandes armées du monde ?

Le classement 2025 de Global Firepower (GFP) vient de paraître, et comme chaque année, il suscite l’attention des observateurs, des analystes et des gouvernements du monde entier. Considéré comme l’un des baromètres majeurs pour évaluer la puissance militaire d’un pays, ce palmarès se base sur plus de 50 critères, allant des effectifs humains au niveau de la technologie, en passant par la capacité industrielle, les ressources naturelles, la géographie, la logistique ou encore l’état de préparation opérationnelle.

Sans surprise, le trio de tête reste dominé par les États-Unis, la Russie et la Chine, tandis que l’Inde et la Corée du Sud complètent le Top 5. Du côté du monde arabe, l’Égypte, l’Arabie saoudite et l’Algérie se distinguent une nouvelle fois, confirmant leur statut de puissances régionales. Dans ce classement, l’Algérie se hisse à la 25ᵉ place, marquant une légère progression par rapport à l’année précédente. Qu’est-ce que cela signifie pour l’Armée nationale populaire (ANP) ? Peut-on considérer que l’Algérie consolide durablement sa position parmi les armées les plus influentes au monde ?

Le classement Global Firepower 2025 en bref

Des critères multiples et évolutifs

Global Firepower se distingue par sa méthodologie, qui prend en compte des dizaines de paramètres pour construire un indice de puissance militaire appelé PwrIndx. Plus ce score se rapproche de zéro, plus le pays est considéré comme redoutable sur le plan militaire. Parmi les éléments examinés, on retrouve les effectifs actifs et de réserve, la diversité et la modernité de l’arsenal (chars, avions, navires, missiles), l’empreinte géographique (accès à la mer, superficie, frontière), la capacité industrielle, la stabilité financière, les ressources énergétiques, l’entraînement des troupes, ou encore l’état de préparation opérationnelle. Cette approche globale permet de nuancer les conclusions : la taille des effectifs ou la quantité de matériel ne font pas tout, et des pays moins peuplés peuvent compenser par un haut degré de technologie ou une grande expérience tactique.

Les poids lourds inchangés

Cette année encore, les États-Unis dominent largement le palmarès, grâce à un budget de la Défense considérable, des capacités de projection hors pair et une industrie de l’armement parmi les plus avancées au monde. Derrière, la Russie conserve la deuxième place malgré des répercussions économiques liées à des sanctions internationales et des tensions géopolitiques en Europe de l’Est. La Chine, qui poursuit sa modernisation militaire à marche forcée, occupe la troisième position. L’Inde et la Corée du Sud, arrivant respectivement quatrième et cinquième, confirment le basculement progressif du centre de gravité militaire vers l’Asie.

La progression notable de l’Algérie

Dans cette configuration mondiale, l’Algérie fait figure de puissance montante sur le continent africain et dans le monde arabe. L’ANP, classée 25ᵉ sur 145 pays, gagne une place par rapport à l’édition précédente (26ᵉ en 2024). Avec un score PwrIndx de 0,3589, elle se rapproche petit à petit d’autres armées régionales plus confirmées. Cette évolution n’est pas spectaculaire, mais elle témoigne d’une consolidation des efforts de modernisation menés ces dernières années.

L’Algérie dans le monde arabe : le podium régional

L’Égypte en tête, l’Arabie saoudite solide, l’Algérie sur le podium

Sur le plan régional, l’Algérie occupe la troisième place derrière l’Égypte et l’Arabie saoudite. L’Égypte, grâce à des effectifs pléthoriques, une géopolitique active et des accords d’armement variés (États-Unis, Russie, France), parvient à s’imposer comme la plus grande puissance militaire du monde arabe. L’Arabie saoudite, riche en ressources pétrolières, investit massivement dans la technologie et l’achat d’équipements de pointe, lui permettant de maintenir sa deuxième position dans la région.

Dans ce contexte, l’Algérie n’a pas à rougir de sa place, puisqu’elle surpasse des pays comme l’Irak ou les Émirats arabes unis, pourtant soutenus par des partenaires étrangers et engagés dans des réformes militaires ambitieuses. La montée en puissance de l’ANP illustre la volonté algérienne de préserver sa souveraineté, en s’appuyant sur une industrie de défense naissante et une politique d’achats d’équipements modernes, principalement auprès de la Russie, mais aussi auprès d’autres fournisseurs (Allemagne, Italie, Chine).

Les enjeux de la compétition régionale

Pourquoi ce classement régional est-il important ? Dans le monde arabe, les relations entre États sont souvent marquées par des rivalités, des alliances et des coopérations fluctuantes. Avoir une armée crédible et dissuasive confère une influence politique et diplomatique non négligeable. L’Égypte, l’Arabie saoudite et l’Algérie, en occupant le podium, se positionnent comme des « garants » potentiels de la stabilité dans différentes zones de tension, qu’il s’agisse du Sahel, de la Méditerranée, de la Libye ou du Moyen-Orient. Toutefois, il ne s’agit pas seulement d’un concours de prestige : la puissance militaire peut aussi être interprétée comme un moyen de pression dans les négociations énergétiques, sécuritaires ou économiques.

Les raisons de la progression algérienne

Un budget de la Défense élevé

L’Algérie consacre une part importante de son PIB aux dépenses militaires. Traditionnellement, ce budget représente entre 4 et 6 % du PIB, ce qui est considérable pour un pays émergent. Malgré la volonté de diversification économique affichée, l’État algérien continue de placer la modernisation de l’armée au cœur de ses priorités. Cette ligne budgétaire élevée permet de financer l’achat de matériels modernes, l’entretien de l’arsenal existant et la formation des effectifs.

Des partenariats multiples, un arsenal diversifié

Longtemps liée à la Russie, l’Algérie cherche depuis quelques années à diversifier ses sources d’approvisionnement. Les contrats signés avec l’Allemagne pour la construction de frégates, ou encore l’acquisition de systèmes de défense antiaérienne avancés, témoignent de cette volonté. Sur le plan terrestre, la modernisation des chars, la mise en service de nouveaux véhicules blindés et l’accent mis sur l’artillerie longue portée renforcent la capacité de dissuasion de l’ANP. L’Algérie investit également dans la marine, souhaitant protéger ses eaux territoriales riches en hydrocarbures et sécuriser son littoral d’environ 1 200 km.

Un engagement accru dans l’industrie de défense

S’inspirant de modèles comme ceux de l’Égypte ou de la Turquie, l’Algérie s’efforce de développer sa propre industrie de défense pour réduire sa dépendance aux importations. Des usines d’assemblage de véhicules blindés et de production d’armes légères ont vu le jour, tandis que des coopérations techniques avec des partenaires étrangers commencent à donner des fruits. Cette démarche, quoique encore embryonnaire, offre un levier stratégique sur le long terme, car elle peut contribuer à l’émergence d’un savoir-faire local et à la création d’emplois dans un secteur de haute technologie.

Les atouts et les faiblesses de l’ANP

Atouts : formation, expérience et logistique

L’Armée nationale populaire algérienne dispose de plusieurs points forts. D’une part, elle peut s’appuyer sur des troupes professionnelles, bénéficiant d’une formation solide, souvent complétée à l’étranger (académies russes, françaises, américaines, etc.). D’autre part, l’expérience acquise dans la lutte contre le terrorisme durant la « décennie noire » (années 1990) a forgé des compétences uniques en matière de guérilla urbaine, de renseignement et de contre-insurrection.

Sur le plan logistique, l’ANP s’est dotée d’infrastructures pour assurer la maintenance de ses équipements et la mobilité de ses forces sur un territoire vaste et diversifié (montagnes, désert, littoral). Les bases militaires et les aérodromes disséminés dans les régions stratégiques (Sud, frontières est et ouest) permettent de projeter des unités assez rapidement en cas de crise.

Faiblesses : bureaucratie, dépendance technologique et enjeux politiques

Toutefois, l’ANP fait face à plusieurs défis qui peuvent freiner sa montée en puissance. La bureaucratie, encore lourde, freine la réactivité et la flexibilité opérationnelle. Malgré les efforts de modernisation, l’armée algérienne dépend toujours beaucoup des fournisseurs étrangers pour la maintenance et l’approvisionnement en pièces détachées de haute technologie. Or, cette dépendance peut s’avérer problématique si les relations diplomatiques venaient à se détériorer.

Enfin, il ne faut pas négliger le paramètre politique : l’ANP a un rôle influent dans la vie politique algérienne, ce qui peut parfois l’éloigner de sa mission strictement militaire. Les luttes de pouvoir internes, la nécessité de maintenir la cohésion dans un contexte social en mutation, ou encore la pression de l’opinion publique peuvent peser sur la gestion et la réforme de l’institution militaire.

Les implications régionales de la montée en puissance algérienne

Le Maghreb en toile de fond

Dans la région du Maghreb, l’Algérie partage des frontières sensibles avec la Tunisie (confrontée aux résidus de l’extrémisme), la Libye (plongée dans l’instabilité post-Kadhafi) et le Maroc (avec lequel les relations diplomatiques sont rompues depuis l’été 2021). Le renforcement de l’ANP peut être perçu comme un facteur de stabilité pour certains, ou comme une source d’inquiétude pour d’autres. Les relations tendues avec le Maroc, en particulier, suscitent des craintes d’escalade, d’autant que les deux pays investissent massivement dans leur défense.

Rôle dans la zone sahélo-saharienne

L’Algérie, du fait de sa géographie, se retrouve en première ligne face aux menaces terroristes dans la bande sahélo-saharienne. À plusieurs reprises, elle a joué un rôle de médiation (au Mali, par exemple) et a renforcé ses dispositifs militaires aux frontières sud. À l’heure où la France réduit son empreinte au Sahel, l’Algérie est appelée à assumer davantage de responsabilités dans la lutte contre les groupes armés régionaux, ce qui justifie son intérêt pour une armée performante et dissuasive.

Coopérations et alliances potentielles

Malgré la compétition régionale, l’Algérie n’entretient pas de contentieux majeurs avec la plupart des puissances du Moyen-Orient. Des coopérations pourraient se renforcer avec l’Égypte, qui partage des préoccupations sécuritaires similaires (Libye, terrorisme transfrontalier). De même, les échanges militaires avec des partenaires africains (Tchad, Niger) ou occidentaux (Italie, Allemagne) sont susceptibles de croître, dans le cadre de la lutte antiterroriste et de la sécurisation des flux migratoires.

Perspectives et défis à l’horizon 2030

Vers une modernisation continue ?

Si l’on se projette dans les années à venir, l’Algérie pourrait maintenir le cap de la modernisation militaire, à condition de préserver la stabilité économique et politique nécessaires. Le pays reste dépendant de la rentabilité de ses exportations d’hydrocarbures, qui financent en grande partie ses achats d’armes et la maintenance de ses équipements. Une baisse prolongée des cours du pétrole ou une crise interne majeure pourraient contraindre l’ANP à revoir ses ambitions.

L’importance de la transformation numérique

Comme de nombreuses armées contemporaines, l’Algérie devra investir dans la cybersécurité, la guerre électronique et l’intelligence artificielle. La maîtrise de ces technologies peut compenser l’absence de masse critique dans certains domaines et donner un avantage stratégique dans les conflits modernes. Les autorités militaires l’ont bien compris, engageant une réflexion sur la formation d’ingénieurs et de spécialistes dans ces nouveaux champs de bataille.

L’impératif d’une industrie de défense nationale

Pour se hisser durablement dans le haut du tableau mondial, l’Algérie devra sans doute accélérer le développement de son industrie de défense. Cette tâche suppose des partenariats internationaux ciblés, une bureaucratie moins pesante, et le soutien aux PME locales capables de concevoir ou d’assembler des équipements militaires. Une telle démarche renforcerait l’autonomie stratégique de l’ANP et créerait un écosystème technologique autour de la défense, avec des bénéfices indirects pour d’autres secteurs de l’économie.

une place renforcée, mais un avenir à construire

Le classement Global Firepower 2025 confirme la place de l’Algérie parmi les puissances militaires incontournables de la région arabe et du continent africain. Avec une progression jusqu’à la 25ᵉ place mondiale, l’Armée nationale populaire récolte les fruits d’investissements constants et d’une politique de modernisation méthodique. Toutefois, ce classement, s’il est symboliquement flatteur, ne saurait occulter les défis structurels qui attendent l’Algérie : dépendance à la rente pétrolière, nécessité de développer une industrie de défense autonome, gestion des frontières et tensions régionales, etc.

Au-delà de la compétition purement statistique, la véritable question est de savoir comment l’Algérie compte exploiter ce renforcement militaire. La stabilité du Maghreb, la sécurité de la bande sahélo-saharienne et la diplomatie régionale pourraient bénéficier d’une ANP crédible et dissuasive. Mais sans réformes internes et sans une approche constructive avec ses voisins, le risque est que cette montée en puissance suscite des méfiances et renforce des rivalités déjà anciennes. Quoi qu’il en soit, l’Algérie se trouve désormais à un carrefour stratégique : poursuivre la consolidation de son outil de défense tout en rassurant la communauté internationale sur ses intentions, ou basculer dans une logique de surenchère militaire moins favorable au dialogue et à la coopération.

Pour l’heure, le Global Firepower 2025 salue l’évolution de l’ANP et souligne l’émergence d’un acteur de premier plan dans le monde arabe. L’Égypte et l’Arabie saoudite conservent certes une longueur d’avance, mais l’Algérie montre qu’elle ne compte pas demeurer en retrait. Dans un contexte géopolitique mouvant, où la technologie redéfinit les règles du jeu et où les alliances se font et se défont, la réussite de l’Algérie reposera autant sur ses moyens militaires que sur sa capacité à bâtir une vision stratégique cohérente pour la sécurité collective de la région. Reste à voir si, dans les éditions futures, ce classement marquera une progression continue ou si l’ANP atteindra rapidement ses limites, faute d’ajustements économiques et politiques indispensables.

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