New York, siège historique des Nations unies. Les projecteurs sont braqués sur une session du Conseil de sécurité présidée par l’Algérie. C’est dans ce cadre solennel que le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de la Communauté nationale à l’étranger et des Affaires africaines, M. Ahmed Attaf, a fait une intervention remarquée. Il y a réaffirmé, d’une voix claire et assurée, la position de l’Algérie sur la cause palestinienne : un simple cessez-le-feu à Gaza ne suffira pas à apporter la paix, à moins de s’inscrire dans un processus politique sérieux permettant de parvenir à la création d’un État palestinien souverain.
Ce discours s’inscrit dans une longue tradition de la diplomatie algérienne, réputée pour son appui à la défense des peuples privés de leurs droits, à commencer par la Palestine. Fidèle à son histoire, l’Algérie souhaite faire progresser la solution des deux États, validée par la communauté internationale. Son ambition ? Obtenir un engagement plus large et plus concret, tout en veillant à ce que l’aide humanitaire parvienne au peuple palestinien, en particulier dans la bande de Gaza, soumise à un blocus depuis plus de quinze ans.
Contexte général : une crise persistante
Le conflit israélo-palestinien occupe une place centrale dans l’agenda international depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Les guerres de 1967 et 1973, la question des colonies en Cisjordanie, le blocus de Gaza et le statut de Jérusalem constituent autant de points de friction qui ont rendu la situation de plus en plus complexe. Plusieurs résolutions onusiennes exigent qu’Israël se retire des territoires occupés et reconnaissent le droit des Palestiniens à un État indépendant. Pourtant, les négociations directes sont dans l’impasse depuis des années.
Dans ce contexte, la réunion du Conseil de sécurité présidée par l’Algérie apparaît comme un rappel : la communauté internationale ne peut pas se satisfaire de trêves éphémères et répétitives. Les flambées de violence, suivies d’accords de cessez-le-feu fragiles, se répètent régulièrement à Gaza, où vivent plus de deux millions d’habitants dans un territoire exigu, frappé par la pauvreté et par des infrastructures exsangues. Selon l’ONU, le blocus imposé par Israël depuis 2007 a fait de ce territoire l’une des zones les plus sinistrées au monde.
L’enclave demeure un enfer pour ses résidents : accès limité à l’eau potable, électricité rationnée, hôpitaux surchargés et manque de médicaments. Sans levée du blocus, beaucoup d’analystes estiment que le cessez-le-feu arraché après chaque épisode de violence est condamné à rester lettre morte. Des organisations humanitaires internationales, telles que l’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine) ou le Comité international de la Croix-Rouge, alertent régulièrement sur la catastrophe humanitaire qui couve dans la région.
L’Algérie sur le devant de la scène onusienne
Dans cet environnement tendu, l’intervention de M. Attaf, mandaté par le président Abdelmadjid Tebboune, prend un relief particulier. Le ministre a placé sa déclaration sous le signe de la fermeté et de la compassion : fermeté, car il a clairement indiqué que la paix ne se bâtirait pas sur le renoncement aux droits des Palestiniens ; compassion, car il a rappelé la volonté de l’Algérie de se tenir aux côtés d’un peuple éprouvé par des décennies d’occupation, en promettant une aide humanitaire conséquente dès la levée du blocus.
Ce n’est pas la première fois que la diplomatie algérienne s’engage de manière visible sur la scène internationale. Historiquement, l’Algérie soutient la cause palestinienne depuis son indépendance en 1962. Cette solidarité s’appuie sur un récit national né de la lutte de libération contre le colonialisme français. Au fil des années, Alger est devenu un acteur de premier plan dans la défense de l’autodétermination des peuples. L’allocution de M. Attaf devant le Conseil de sécurité est la plus récente manifestation de cette ligne directrice qui traverse la politique étrangère algérienne.
En matière diplomatique, l’Algérie a cherché à favoriser la réconciliation entre les différentes factions palestiniennes. Les divisions, notamment entre le Hamas (qui contrôle Gaza) et le Fatah (majoritaire au sein de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie), ont souvent été pointées comme un frein au progrès des négociations. Alger s’est proposé à plusieurs reprises comme médiateur, organisant des rencontres au sommet pour tenter de rapprocher des positions parfois inconciliables. Or, il s’avère que l’obstacle majeur reste l’opposition profonde entre les deux courants, qui ne partagent pas la même vision de la résistance ou du dialogue avec Israël.
Une solution à deux États menacée ?
Les différents intervenants à la tribune onusienne, qu’ils représentent la France, le Royaume-Uni, ou d’autres pays membres non permanents, ont souligné l’importance de la solution des deux États. Pourtant, cette perspective se heurte depuis plusieurs années à la réalité du terrain. La colonisation de la Cisjordanie, considérée comme illégale au regard du droit international, se poursuit, érodant progressivement la possibilité de créer un État palestinien géographiquement cohérent.
En parallèle, la reconnaissance internationale de la Palestine avance lentement. Si de nombreux pays ont déjà reconnu l’État de Palestine, celui-ci ne dispose aux Nations unies que du statut d’État observateur non membre. L’une des ambitions annoncées par M. Attaf est d’œuvrer à l’obtention d’un statut de membre à part entière pour la Palestine. Ce serait un tournant diplomatique majeur, puisqu’il renforcerait la légitimité palestinienne dans toutes les instances de l’ONU et permettrait, selon certains experts, de rééquilibrer les rapports de force lors de futures négociations de paix.
Pourtant, cet objectif se heurte à la réticence de certains membres influents du Conseil de sécurité, qui disposent d’un droit de veto. La position américaine, par exemple, a fluctué au gré des administrations. D’un côté, les États-Unis se présentent depuis des décennies comme les principaux médiateurs entre Israéliens et Palestiniens. De l’autre, l’alliance stratégique entre Washington et Tel-Aviv, ainsi que les évolutions internes de la politique américaine, ont souvent conduit à des blocages lorsque le dossier arrive à l’ONU.
Entre crise humanitaire et recompositions géopolitiques
L’une des préoccupations majeures soulevées pendant la session du Conseil de sécurité demeure l’état catastrophique de la bande de Gaza. La crise humanitaire y est chronique : pénuries de carburant, difficulté d’accéder à l’eau potable, chômage endémique, systèmes de santé et d’éducation en manque de ressources. Le ministre algérien a mis en avant l’urgence de dégager des couloirs humanitaires et de lever le blocus, condition sine qua non pour la reconstruction.
Les Nations unies, par l’intermédiaire de l’UNRWA, continuent de fournir un soutien essentiel dans divers secteurs : cliniques, écoles, distributions alimentaires. Mais cette agence onusienne fait face à des difficultés financières récurrentes et se retrouve parfois au cœur de polémiques alimentées par des accusations de partialité. À la tribune, M. Attaf a réaffirmé que l’Algérie poursuivrait son soutien à l’UNRWA et dénoncerait toute campagne visant à la discréditer.
Parallèlement, le conflit israélo-palestinien ne se limite pas à la scène locale. Les recompositions géopolitiques régionales, notamment les accords de normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes, ont redessiné la carte des alliances. L’Algérie, pour sa part, a choisi de se tenir à l’écart de cette vague de reconnaissance diplomatique. Pour Alger, le choix d’une normalisation ne peut en aucun cas faire l’impasse sur une solution juste pour les Palestiniens. Si l’on en croit les déclarations officielles, aucune relation officielle avec Israël n’est envisageable avant la fin de l’occupation.
Dans cette optique, l’Algérie s’efforce de promouvoir un front de pays partageant sa position. Il s’agit aussi de maintenir le dossier palestinien comme l’une des priorités de la Ligue arabe. Or, la Ligue arabe elle-même est traversée par des visions divergentes, au gré des intérêts économiques, stratégiques ou des proximités diplomatiques de chacun de ses membres avec les grandes puissances.
Un horizon incertain : quelles perspectives pour la paix ?
Vers la fin de son intervention, M. Attaf a annoncé la perspective d’une conférence internationale prévue à la mi-année. L’idée serait de rassembler non seulement les acteurs traditionnels du processus de paix (Israël, Autorité palestinienne, puissances occidentales et pays arabes), mais également d’autres membres de la communauté internationale, y compris des pays africains et asiatiques qui pourraient exercer une influence positive sur les négociations. L’Algérie, forte de son expérience dans le Mouvement des non-alignés, plaide pour une approche multilatérale ambitieuse.
Pour autant, beaucoup d’incertitudes demeurent. Les experts soulignent que le principal écueil réside dans l’absence d’unité au sein même du camp palestinien et dans la fracture qui s’aggrave entre Gaza et la Cisjordanie. De surcroît, la donne politique en Israël, marquée par la montée de courants nationalistes et religieux, rend les compromis plus difficiles. Le jeu des puissances internationales, en particulier la position américaine, sera également décisif : un appui clair et concret est nécessaire pour faire appliquer tout accord potentiel, surtout si l’on souhaite garantir un gel de la colonisation ou une levée progressive du blocus.
La lassitude de la communauté internationale face à un conflit qui s’éternise peut également jouer contre un processus de paix global, la priorité pouvant être donnée à des crises plus récentes (Syrie, Yémen, Sahel, etc.). Toutefois, l’histoire a montré que le conflit israélo-palestinien reste un enjeu majeur pour la stabilité du Moyen-Orient : tant que cette question n’est pas résolue, elle peut alimenter d’autres tensions et nourrir des discours extrémistes, voire des actes de violence.
Conclusion
La session du Conseil de sécurité présidée par l’Algérie marque un moment important dans la quête, toujours inachevée, d’une paix globale entre Israéliens et Palestiniens. En soulignant l’urgence d’une solution politique solide et en réaffirmant l’incontournable solution des deux États, l’Algérie se positionne comme l’un des défenseurs les plus déterminés de la cause palestinienne au sein des instances internationales.
Pour autant, les défis à relever restent considérables. Il faudra compter avec les divisions internes du camp palestinien, les recompositions géopolitiques régionales, et les divergences d’intérêts entre puissances internationales. La promesse d’une conférence internationale à la mi-année suscite un certain espoir, mais la réussite de cette initiative dépendra de la volonté politique des principaux acteurs, ainsi que de la mobilisation d’une communauté internationale souvent partagée entre lassitude et détermination.
Si l’Algérie se dit prête à poursuivre ses efforts humanitaires et diplomatiques, elle ne peut agir seule. Le soutien d’autres pays, l’implication des Nations unies et la participation active des protagonistes du conflit sont indispensables pour sortir de l’impasse. Dans ce processus, chaque voix compte : celle des Palestiniens sur le terrain, qui aspirent à la dignité et à la liberté ; celle des Israéliens favorables à une cohabitation pacifique ; celle des pays tiers, qui peuvent peser sur les négociations.
L’initiative algérienne résonne donc comme un appel à la fois ferme et pragmatique : la paix, pour être durable, doit reposer sur la justice. Les prochaines étapes, qu’il s’agisse de la réconciliation inter-palestinienne ou de l’organisation de la conférence internationale, diront si la communauté internationale est prête à franchir le cap de la simple rhétorique pour prendre des mesures concrètes. Dans un Moyen-Orient déjà troublé par plusieurs conflits, le règlement de la question palestinienne constituerait un message d’espoir. Reste à savoir si celui-ci sera entendu au-delà des murs du Conseil de sécurité.