L’allocation touristique en Algérie, récemment révisée à 750 euros par adulte pour 2025, devait révolutionner l’accès des citoyens aux devises étrangères et réduire la dépendance au marché noir. Pourtant, cette mesure, pourtant annoncée en grande pompe, reste à l’état de promesse. L’ancien dispositif est bloqué, et les banques attendent toujours des directives claires pour mettre en œuvre la nouvelle réglementation.
Une Allocation Touristique Bloquée : Entre Promesses et Réalité
Annoncée en décembre 2024, la hausse de l’allocation touristique à 750 euros par adulte devait entrer en vigueur en janvier 2025. Cette mesure, présentée comme une avancée majeure, répondait à une revendication populaire de longue date. Depuis 1997, le montant fixé à 15 000 dinars (environ 100 euros) était considéré comme obsolète et insuffisant face à la réalité des voyages à l’étranger.
Cependant, l’optimisme initial a rapidement laissé place à la frustration. Les banques algériennes, telles que la Banque Extérieure d’Algérie (BEA) et la Banque Nationale d’Algérie (BNA), n’ont toujours pas reçu de directives précises sur la manière de déployer cette mesure. « Nous sommes dans l’attente d’une note officielle », confie un cadre de la BEA. Ce flou administratif a plongé les voyageurs dans une incertitude totale.
Les Conséquences Immédiates : Une Dépendance Exacerbée au Marché Noir
Ce blocage a immédiatement renforcé la pression sur le marché noir des devises. Faute de pouvoir obtenir leurs 750 euros dans les banques, les citoyens se tournent massivement vers les cambistes informels. Cette demande accrue a entraîné une flambée des taux de change.
En conséquence, le dinar continue de perdre de la valeur sur le marché noir, accentuant la fragilité économique du pays. Les petits commerçants et importateurs, qui dépendent également des devises étrangères pour leurs activités, subissent directement cette instabilité.
Une Réforme Ambitieuse Mais Mal Préparée
Lors du Conseil des ministres de décembre 2024, le gouvernement avait présenté cette mesure comme un tournant historique. En plus des 750 euros pour les adultes et des 300 euros pour les mineurs, une allocation spécifique de 1 000 dollars avait été promise aux pèlerins effectuant le Hadj.
L’objectif était double : éviter que les voyageurs ne soient contraints de se tourner vers le marché noir et renforcer la confiance dans le système bancaire officiel. Cependant, plusieurs experts avaient émis des réserves sur la faisabilité de cette réforme sans une préparation logistique et administrative rigoureuse. Les faits semblent leur donner raison.
Pourquoi Le Blocage Persiste-t-il ?
Les raisons de ce blocage sont multiples. D’abord, les banques attendent une note officielle qui détaille les modalités d’application. Quels documents les citoyens devront-ils fournir ? Quel sera le taux de change appliqué ? Ces questions restent sans réponse.
Ensuite, le retard pourrait être lié à la crainte d’une pression trop importante sur les réserves de change du pays. En décembre 2024, ces réserves étaient estimées à environ 60 milliards de dollars, un niveau jugé insuffisant pour supporter une augmentation massive des sorties de devises.
Enfin, le poids de la bureaucratie algérienne joue un rôle déterminant. De nombreuses réformes ambitieuses se heurtent à des lenteurs administratives qui freinent leur mise en œuvre.
Les Enjeux Politiques : Un Pari Risqué pour Le Gouvernement
Sur le plan politique, cette réforme était censée redorer l’image du gouvernement. En augmentant l’allocation touristique, le président visait à répondre aux attentes d’une population lassée par des décennies de statu quo.
Cependant, le retard dans l’application de cette mesure risque de produire l’effet inverse. Les critiques fusent sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes dénoncent un manque de transparence et d’efficacité. Cette situation pourrait également nourrir la contestation sociale, dans un contexte économique déjà tendu.
Les Solutions Envisagées : Entre Promesses et Actions Concrètes
Pour sortir de cette impasse, plusieurs pistes sont évoquées. D’abord, le gouvernement pourrait accélérer l’ouverture des bureaux de change officiels, promis depuis plusieurs années. Ces structures permettraient aux citoyens d’accéder à des devises à un taux réglementé, réduisant ainsi l’attractivité du marché noir.
Ensuite, une communication plus transparente de la part des autorités serait essentielle pour restaurer la confiance des citoyens. Publier un calendrier clair pour la mise en œuvre de la nouvelle allocation pourrait apaiser les tensions.
Enfin, des réformes structurelles plus profondes seront nécessaires pour moderniser le système financier algérien. La bancarisation de l’économie et une meilleure gestion des réserves de change figurent parmi les priorités.
Le Regard des Experts Internationaux
Les institutions internationales, telles que le FMI et la Banque mondiale, surveillent de près cette réforme. Dans plusieurs rapports, elles ont souligné la nécessité pour l’Algérie de diversifier son économie et de réduire sa dépendance aux hydrocarbures. Une gestion plus transparente et efficace des devises serait un premier pas dans cette direction.
Cependant, ces institutions avertissent que de telles réformes ne peuvent réussir qu’avec une volonté politique forte et un engagement à surmonter les obstacles administratifs.
Un Défi Crucial pour L’Algérie
L’allocation touristique à 750 euros représente une opportunité unique pour l’Algérie de moderniser son système financier et de renforcer la confiance des citoyens dans les institutions. Cependant, le retard dans sa mise en œuvre révèle les faiblesses structurelles de l’économie algérienne.
Pour réussir cette réforme, le gouvernement devra agir rapidement et avec détermination. Une communication claire, des solutions concrètes et un engagement à long terme seront essentiels pour transformer cette crise en une réussite. Sans cela, l’Algérie risque de s’enfoncer davantage dans l’instabilité économique et sociale, au détriment de sa population.