Après 20 ans d’échanges commerciaux déséquilibrés, l’Algérie réclame une révision de l’accord d’association avec l’Union européenne (UE). Signé au début des années 2000 dans un contexte économique différent, cet accord a largement favorisé les exportations européennes au détriment des intérêts algériens. Aujourd’hui, avec une économie en pleine transformation, l’Algérie souhaite renégocier les termes de ce partenariat pour établir une relation plus équilibrée et mutuellement bénéfique. Cet article explore les enjeux de cette révision, les attentes de l’Algérie et les défis à relever.
Un accord déséquilibré
L’accord d’association Algérie-UE, entré en vigueur en 2005, a été conçu pour renforcer les relations commerciales entre les deux parties. Cependant, les résultats ont été largement en faveur de l’UE. Entre 2005 et 2015, l’Algérie a exporté pour 14 milliards d’euros de marchandises hors hydrocarbures vers l’UE, tandis qu’elle a importé pour 220 milliards d’euros de produits européens. Ce déséquilibre a coûté à l’Algérie des sommes colossales en droits de douane, estimées à 700 milliards de dinars.
Le démantèlement tarifaire prévu par l’accord a permis aux produits européens de pénétrer facilement le marché algérien, tandis que les exportations algériennes, à l’exception des hydrocarbures, ont été largement limitées. Cette situation a mis en lumière les lacunes de l’accord et la nécessité d’une révision pour garantir un partenariat plus équilibré.
Les attentes de l’Algérie
L’Algérie souhaite une révision clause par clause de l’accord d’association. Le président Abdelmadjid Tebboune a souligné dès 2021 la nécessité de cette renégociation pour parvenir à un partenariat gagnant-gagnant. Les principales attentes de l’Algérie incluent :
- La levée des restrictions et l’augmentation des quotas pour les produits industriels et agricoles algériens.
- La prise en compte de la transformation économique de l’Algérie, notamment dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière.
- Une meilleure intégration des produits algériens sur le marché européen, en éliminant les barrières non tarifaires et les restrictions arbitraires.
L’épisode de la pâte à tartiner El Mordjene, interdite en France sur la base d’un règlement européen, illustre les difficultés rencontrées par les produits algériens pour accéder au marché européen. Cet incident a renforcé la détermination de l’Algérie à obtenir des conditions plus favorables dans le cadre de l’accord révisé.
Les efforts de diversification économique
Depuis quelques années, l’Algérie a entrepris des efforts significatifs pour diversifier son économie. Les exportations hors hydrocarbures ont triplé par rapport à leur niveau de 2017, atteignant 7 milliards de dollars en 2024. L’objectif est de porter ce chiffre à 29 milliards de dollars d’ici 2030. Pour y parvenir, l’Algérie compte sur une meilleure intégration de ses produits sur le marché européen.
Les secteurs de l’agriculture et de l’industrie manufacturière ont enregistré des progrès notables. Par exemple, l’Algérie exporte désormais des produits agroalimentaires, des textiles et des matériaux de construction. Cependant, ces produits se heurtent souvent à des barrières non tarifaires et à des quotas restrictifs sur le marché européen, limitant leur potentiel de croissance.
Les récentes avancées dans les négociations
Les choses semblent s’accélérer en ce début d’année 2025. Le président Tebboune a présidé une réunion au sommet consacrée à la révision de l’accord, marquant ainsi l’importance accordée à ce dossier. Quelques jours plus tard, le Premier ministre Nadir Larbaoui a rencontré l’ambassadeur de l’UE en Algérie, Diego Mellado Pascua, pour discuter des perspectives de coopération bilatérale.
Les deux parties ont réaffirmé leur engagement à œuvrer pour un partenariat global et diversifié, basé sur une approche équilibrée garantissant les intérêts des deux parties. Une réunion du comité technique bilatéral de concertation sur les relations commerciales est prévue, bien que la date et le lieu n’aient pas encore été dévoilés.
Les défis à relever
La révision de l’accord d’association ne sera pas sans défis. L’Algérie devra convaincre l’UE de l’importance d’un partenariat plus équilibré, tout en évitant les tensions diplomatiques. Le président Tebboune a insisté sur la nécessité de procéder à cette révision avec « souplesse », dans « un esprit amical » et sans « entrer en conflit ».
Un autre défi majeur est la mise en place d’un cadre juridique solide pour garantir la transparence et l’efficacité du partenariat. Les deux parties devront également trouver un équilibre entre les intérêts économiques de l’UE et les aspirations de l’Algérie à diversifier son économie et à accroître ses exportations.
Les implications géopolitiques
La révision de l’accord d’association s’inscrit dans un contexte géopolitique complexe. L’Algérie, en tant que partenaire clé de l’UE en Afrique du Nord, joue un rôle stratégique dans la stabilité régionale. Un partenariat renouvelé et équilibré pourrait renforcer les relations bilatérales et contribuer à la prospérité des deux rives de la Méditerranée.
Pour l’UE, un accord révisé pourrait offrir des opportunités pour renforcer sa présence économique en Algérie, tout en soutenant les efforts de diversification du pays. Pour l’Algérie, c’est une chance de consolider sa position sur la scène internationale et de stimuler son économie.
vers un partenariat renouvelé
La révision de l’accord d’association entre l’Algérie et l’UE représente une opportunité historique de rééquilibrer les relations commerciales entre les deux parties. Pour l’Algérie, c’est une chance de mieux intégrer ses produits sur le marché européen et de stimuler son économie. Pour l’UE, c’est une occasion de renforcer son partenariat avec un pays clé de la région. Cependant, la réussite de cette révision dépendra de la capacité des deux parties à surmonter les défis techniques, juridiques et diplomatiques.
La révision de l’accord d’association Algérie-UE illustre les défis et les opportunités des relations commerciales entre les pays du Sud et du Nord. En misant sur un partenariat équilibré et mutuellement bénéfique, l’Algérie et l’UE peuvent ouvrir de nouvelles perspectives de coopération et de développement. Cependant, pour que cette révision atteigne son plein potentiel, il sera essentiel de garantir une gestion transparente et inclusive, ainsi qu’un engagement continu des deux parties.