Algérie : Pourquoi les écoles de langues privées sont-elles dans le viseur des autorités ?

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Algérie : Pourquoi les écoles de langues privées sont-elles dans le viseur des autorités ?

Les écoles de langues privées en Algérie font désormais l’objet d’une surveillance accrue. Le ministère du Commerce, par le biais de la direction du contrôle économique et de la répression des fraudes, a rappelé aux établissements agréés de s’en tenir strictement à l’enseignement des langues, conformément à leur code d’activité inscrit au Registre du commerce. Cette mesure, bien que présentée comme « routinière », soulève de nombreuses questions sur les pratiques de ces écoles et leurs répercussions potentielles sur le paysage éducatif.

Le contexte : une réglementation plus stricte pour les écoles de langues

Les annonces du ministère du Commerce
Le rappel à l’ordre a été formulé par Mohamed Mezghache, directeur central du contrôle économique, lors d’une intervention sur la Télévision algérienne le 5 janvier. Il a insisté sur la nécessité pour les écoles de langues privées de respecter strictement leur code d’activité : 607-014, relatif à l’enseignement des langues étrangères.
Toute activité en dehors de cet objet, comme les cours particuliers dans d’autres disciplines ou niveaux scolaires, est considérée comme une infraction au cadre réglementaire.

Des instructions claires aux autorités locales
Une note du ministère adressée aux directions régionales et wilayales du commerce, en novembre dernier, détaille les dérives constatées. Certains établissements, bien que spécialisés dans l’enseignement des langues, offraient des services variés allant de cours particuliers pour les élèves du primaire à des formations sans rapport avec les langues. En réponse, des brigades mixtes ont été créées pour renforcer le contrôle et adresser des rapports hebdomadaires au ministère.

Les raisons derrière ce contrôle accru : quelles infractions ciblées ?

Des activités en dehors du cadre légal
Selon la note officielle, plusieurs écoles de langues dispensent des cours particuliers dans des disciplines variées, allant au-delà de leur objet principal. Ces activités, souvent lucratives, peuvent concurrencer les établissements scolaires et centres de formation agréés, ce qui constitue une distorsion du cadre éducatif réglementaire.

Un impact sur le « référent éducatif national »
Le ministère met également en garde contre des activités pouvant toucher au référent éducatif national, sans toutefois en préciser la nature. On peut supposer que cela inclut des pratiques éducatives ou pédagogiques contraires aux normes établies par le ministère de l’Éducation nationale.

Un enjeu économique et social
En offrant des services en dehors de leur cadre légal, certaines écoles de langues échappent à une fiscalité spécifique et peuvent affecter les revenus d’autres acteurs du secteur éducatif. Cela soulève des enjeux économiques, mais aussi sociaux, notamment pour les familles qui dépendent de ces services pour leurs enfants.

Une enquête nationale et des brigades mixtes pour encadrer le secteur

Une enquête nationale en cours
Le ministère du Commerce a lancé une enquête nationale sur les pratiques des écoles de langues dans le cadre de son programme d’activité pour 2024. Cette démarche vise à identifier les manquements et à garantir un respect strict des réglementations en vigueur.

La mise en place de brigades mixtes
Pour renforcer le contrôle, des brigades mixtes ont été créées, intégrant divers acteurs : représentants des secteurs du Commerce, de l’Intérieur, de l’Éducation, des Affaires religieuses, ainsi que des forces de sécurité (Sûreté nationale et Gendarmerie nationale). Ce dispositif témoigne de la volonté des autorités d’adopter une approche intersectorielle pour encadrer le secteur.

Les conséquences pour les écoles de langues et leurs clients

Un risque pour les écoles concernées
Les établissements ne respectant pas leur cadre d’activité risquent des sanctions, allant de l’amende à la fermeture administrative. Cette situation pourrait entraîner une perte de confiance des clients, en particulier des parents, souvent séduits par la polyvalence des services offerts.

Un impact sur les familles et les étudiants
Pour les familles, ces mesures pourraient limiter l’accès à certains services éducatifs pratiques, notamment les cours particuliers pour les enfants. Cela pourrait obliger les parents à se tourner vers des structures alternatives ou à renoncer à ces compléments éducatifs.

Les critiques et questions soulevées par cette surveillance accrue

Une régulation jugée excessive par certains
Certains observateurs critiquent la rigidité des mesures imposées aux écoles de langues. En offrant une variété de services éducatifs, ces établissements répondent à une demande croissante et pallient certaines carences du système éducatif public. Les restreindre pourrait freiner des initiatives privées qui participent à l’amélioration globale du niveau éducatif.

Des zones d’ombre dans les motivations
L’insistance sur le respect strict du code d’activité soulève des questions. Les autorités visent-elles réellement à protéger l’intégrité du système éducatif ou s’agit-il d’une stratégie pour recentrer certaines activités sous le contrôle direct des établissements publics ?

Un besoin de clarification et de concertation
Les écoles concernées appellent à plus de transparence et de dialogue avec les autorités pour mieux comprendre les règles en vigueur et adapter leurs services en conséquence. Une collaboration pourrait permettre d’éviter les abus tout en valorisant le rôle de ces écoles dans le paysage éducatif.

Quelles solutions pour un encadrement équilibré du secteur ?

Mettre en place un cadre réglementaire plus flexible
Pour répondre aux besoins des étudiants et des familles, tout en respectant les normes légales, les autorités pourraient envisager une réforme du cadre réglementaire. Cela inclurait la possibilité pour les écoles de langues d’élargir leurs services à condition de respecter des critères précis.

Renforcer la qualité des services
En parallèle, un système de certification pourrait être mis en place pour garantir la qualité des services offerts, qu’il s’agisse de cours de langues ou d’autres disciplines connexes.

Encourager le dialogue entre les parties prenantes
Un dialogue entre les autorités, les écoles privées et les parents pourrait aboutir à des solutions équilibrées, permettant de répondre aux attentes des uns et des autres tout en respectant les objectifs de régulation.

Entre contrôle et opportunité, quel avenir pour les écoles de langues ?

La surveillance accrue des écoles de langues privées en Algérie reflète une volonté des autorités de mieux encadrer un secteur en plein essor. Cependant, cette démarche soulève des questions sur l’impact économique, éducatif et social de ces mesures. Trouver un équilibre entre régulation et flexibilité sera essentiel pour préserver le dynamisme de ce secteur tout en protégeant l’intégrité du système éducatif national.

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