Algérie : Pourquoi les agrumes abondent-ils sur le marché malgré des défis structurels ?

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Algérie : Pourquoi les agrumes abondent-ils sur le marché malgré des défis structurels ?

En Algérie, la filière des agrumes connaît un essor sans précédent. Avec une superficie atteignant 70 000 hectares et une production record de 18 millions de quintaux en 2024, les agrumes inondent les marchés locaux. Cependant, cette abondance pose des questions cruciales sur l’équilibre entre l’offre et la demande, ainsi que sur les moyens de gestion des excédents.

Le prix des oranges, qui culminait à 400 dinars le kilo en 2024, est désormais sous les 100 dinars en ce début d’année 2025. Les citrons suivent une tendance similaire, offrant aux ménages algériens une opportunité inédite d’achat en masse pour leur conservation. Mais derrière cette bonne nouvelle pour les consommateurs, se cache une réalité plus complexe pour les producteurs.

Des pertes financières malgré l’abondance

À Blida, région phare de la culture des agrumes, les producteurs subissent des pertes considérables. Un commerçant témoigne : « Nous avons acheté la production à 70 DA le kilo, mais nous vendons au détail à 40 DA. » Ce déséquilibre met en lumière les défis auxquels la filière fait face : gel des fruits, absence d’infrastructures pour la transformation, et faible exportation.

La vidéo de ce commerçant entouré d’oranges abîmées, largement partagée sur les réseaux sociaux, illustre une frustration croissante. Il appelle les autorités à agir, notamment par le développement de l’exportation et des industries de transformation pour éviter le gaspillage des surplus.

Une modernisation encourageante, mais insuffisante

La filière des agrumes bénéficie néanmoins d’initiatives de modernisation. Des acteurs comme Garden, en collaboration avec des institutions telles que l’Institut technique de l’arboriculture fruitière (ITAF), introduisent des variétés à maturité échelonnée, des porte-greffes résistants, et des techniques d’irrigation goutte-à-goutte. Ces innovations permettent une densité de plantation doublée, avec 800 plants par hectare, et une mise en production dès la deuxième année.

Malgré ces avancées, les défis persistent. La sécheresse, endémique en Algérie, impacte fortement le calendrier de récolte. En 2024, la clémentine, habituellement disponible dès septembre, n’est arrivée sur les marchés que récemment, coïncidant avec les premières variétés d’oranges. Cette « production groupée » sature le marché et contribue à la chute des prix.

La gestion de l’eau : un défi structurel majeur

L’agrumiculture est l’une des filières agricoles les plus consommatrices d’eau, nécessitant entre 1 200 et 1 500 mm par an, alors que la pluviométrie moyenne dans des régions clés comme la Mitidja n’atteint que 600 mm. Le déficit est comblé par l’utilisation des nappes souterraines, une solution qui n’est pas durable à long terme.

Des experts comme Nadjia Khemis de l’ITAF appellent à généraliser l’irrigation goutte-à-goutte pour optimiser l’utilisation de l’eau. Cependant, cette transition nécessite des investissements importants que tous les producteurs ne peuvent se permettre.

L’exportation, une opportunité encore sous-exploitée

L’Algérie, autrefois importatrice d’agrumes, est désormais en mesure d’exporter. Pourtant, les volumes d’exportation restent faibles comparés au potentiel national. Des initiatives comme le Salon national des agrumes, lancé en 2023 à Blida, visent à structurer la filière et à attirer des partenaires internationaux. Toutefois, l’absence d’une stratégie claire pour l’accès aux marchés internationaux limite encore les opportunités.

Une filière prometteuse, mais à structurer

La progression rapide de la filière des agrumes en Algérie est indéniable. Cependant, les défis liés à la gestion des excédents, à l’irrigation et à l’exportation soulignent la nécessité d’une meilleure structuration. Une politique publique claire, alliant soutien aux producteurs, promotion de l’exportation et modernisation des infrastructures, est essentielle pour transformer cette abondance en véritable atout économique.

L’essor de l’agrumiculture algérienne offre un potentiel immense. Encore faut-il que les autorités et les acteurs du secteur s’alignent sur une vision commune pour en maximiser les bénéfices. Les solutions existent, mais leur mise en œuvre déterminera l’avenir de cette filière stratégique pour le pays.

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