Les relations déjà tendues entre l’Algérie et le Maroc sont encore exacerbées par des figures salafistes qui n’hésitent pas à jeter de l’huile sur le feu. Dernièrement, le « cheikh » marocain Mohamed Fizazi, connu pour ses positions controversées, a adressé des propos incendiaires envers l’Algérie, appelant même les Marocains à prendre les armes contre leur voisin. Ce climat d’escalade verbale illustre non seulement les tensions entre les deux pays, mais aussi l’influence grandissante des discours religieux sur la scène politique et médiatique dans la région. Analyse d’un phénomène préoccupant.
Le rôle des figures religieuses dans la montée des tensions
Mohamed Fizazi, un personnage controversé
Mohamed Fizazi, salafiste marocain au passé trouble, s’est illustré par ses déclarations provocatrices à l’encontre de l’Algérie. Ancien détenu, il a été emprisonné pour son implication présumée dans les attentats de Casablanca en 2003, avant d’être gracié en 2011 par le roi Mohammed VI. Depuis sa libération, Fizazi s’est repositionné sur la scène publique comme une voix influente du courant salafiste au Maroc. Ses récentes déclarations, appelant à une confrontation armée avec l’Algérie, témoignent de son alignement apparent avec le régime marocain. Selon certains observateurs, Fizazi aurait passé un « deal » avec le Makhzen pour servir d’instrument dans les campagnes médiatiques.
Chemsedine Bouroubi, le contre-discours algérien
En réponse aux attaques de Fizazi, l’Algérien Chemsedine Bouroubi, connu sous le surnom de « Cheikh Chemsou », a répliqué avec fermeté lors d’une intervention sur la chaîne algérienne Ennahar TV. Il a accusé Fizazi de chercher à diviser les peuples algérien et marocain pour plaire à la monarchie. Selon Bouroubi, ces propos visent à créer une « fitna » – un terme islamique désignant la discorde – et à détourner l’attention des véritables enjeux. En dénonçant l’instrumentalisation de la religion à des fins politiques, Bouroubi a rappelé la nécessité de privilégier l’unité entre les peuples.
Les discours religieux, un outil de polarisation
Une montée en puissance des islamistes
Depuis le printemps arabe, les figures religieuses, en particulier les salafistes, occupent de plus en plus de place dans les débats publics en Afrique du Nord. Cette tendance est alimentée par la polarisation des sociétés et l’utilisation stratégique du discours religieux par certains régimes. Ces figures, autrefois marginalisées, bénéficient aujourd’hui d’une visibilité accrue grâce aux médias traditionnels et numériques. Au Maroc, la réintégration de Fizazi dans la sphère publique illustre ce phénomène, où des discours autrefois considérés comme extrémistes trouvent désormais une audience.
Les conséquences sur le dialogue régional
Les interventions incendiaires de figures comme Fizazi compliquent davantage les relations algéro-marocaines, déjà marquées par des différends historiques sur des sujets comme le Sahara occidental. Ces discours alimentent un climat de méfiance et renforcent les divisions idéologiques entre les deux nations. Les analystes craignent que cette instrumentalisation du religieux ne bloque toute tentative de dialogue et n’attise des tensions qui pourraient dégénérer.
Le Sahara occidental, une pomme de discorde persistante
Un conflit historique
Le Sahara occidental reste le principal point de discorde entre l’Algérie et le Maroc. Le soutien de l’Algérie au Front Polisario, qui revendique l’indépendance du territoire, s’oppose frontalement à la position marocaine, qui considère le Sahara occidental comme une partie intégrante de son royaume. Dans ce contexte, les déclarations de Fizazi prennent une dimension géopolitique claire : elles visent à renforcer la position marocaine sur ce dossier en mobilisant l’opinion publique autour d’un discours nationaliste et religieux.
Le rôle des médias dans l’amplification des tensions
La médiatisation des propos de Fizazi, notamment par des chaînes marocaines et algériennes, contribue à amplifier leur impact. En Algérie, des médias comme Ennahar TV ont répliqué en diffusant les réponses de figures religieuses locales, créant une escalade verbale entre les deux pays. Ce jeu médiatique risque d’envenimer encore plus les relations bilatérales, alors même que les deux nations auraient intérêt à désamorcer ces tensions.
Les implications politiques et sociales
Une manipulation du religieux à des fins politiques
Les déclarations de Fizazi illustrent comment certains régimes utilisent les figures religieuses pour servir des intérêts politiques. En adoptant un discours agressif envers l’Algérie, Fizazi semble jouer un rôle dans la stratégie du Makhzen pour consolider le soutien interne tout en détournant l’attention des problèmes internes au Maroc. Ce type de stratégie, bien qu’efficace à court terme, pourrait s’avérer contre-productif en alimentant les divisions et les conflits dans la région.
Les risques pour la cohésion sociale
L’influence croissante des discours salafistes dans le débat public pourrait également avoir des conséquences négatives sur la cohésion sociale dans les deux pays. En Algérie comme au Maroc, ces discours tendent à polariser les opinions et à détourner l’attention des véritables enjeux sociaux et économiques. Les populations, déjà confrontées à des défis tels que le chômage, la corruption et les inégalités, risquent de se retrouver encore plus divisées.
Vers une nécessaire désescalade
La responsabilité des élites religieuses et politiques
Face à cette escalade verbale, les élites religieuses et politiques des deux pays doivent jouer un rôle de modération. Les discours appelant à la violence ou à la division ne servent ni les intérêts des populations, ni ceux des États. Une coopération régionale, basée sur le dialogue et le respect mutuel, est essentielle pour surmonter ces tensions.
L’importance de l’unité entre les peuples
Malgré les différends politiques, les peuples algérien et marocain partagent des liens historiques et culturels profonds. Ces liens doivent être préservés et renforcés, notamment face aux tentatives de division. Les acteurs de la société civile, les intellectuels et les médias ont un rôle crucial à jouer pour promouvoir un discours de réconciliation et de paix.
Entre religion et politique, un équilibre à trouver
L’affaire Mohamed Fizazi illustre les dangers de l’instrumentalisation du religieux dans un contexte de tensions géopolitiques. Si ces discours contribuent à renforcer les divisions entre l’Algérie et le Maroc, ils détournent également l’attention des véritables enjeux auxquels sont confrontées les populations des deux pays. Face à cette situation, il est impératif de promouvoir un dialogue apaisé et de s’attaquer aux causes profondes des tensions, qu’elles soient politiques, économiques ou sociales. L’avenir de la région dépendra de la capacité de ses acteurs à dépasser ces clivages et à travailler ensemble pour un avenir commun.