Face à un monde de plus en plus connecté, l’Algérie a fait de la transformation numérique une priorité nationale. Portée par le président Abdelmadjid Tebboune, cette initiative vise à moderniser l’administration, rationaliser les dépenses publiques et renforcer la transparence dans la gestion de l’État. Toutefois, cette ambition s’accompagne de défis majeurs, tant sur le plan technologique que structurel. Cette transformation peut-elle vraiment répondre aux attentes des Algériens et insuffler un souffle nouveau à l’économie nationale ?
Un engagement politique fort pour une stratégie ambitieuse
Sous l’impulsion du président Tebboune, la transformation numérique a été érigée en priorité nationale. Le Haut-commissariat à la numérisation, chargé de superviser cette transition, articule sa stratégie autour de deux piliers majeurs :
- Une loi sur la numérisation, conçue pour lever les obstacles bureaucratiques et créer un cadre juridique adapté.
- Une politique de cybersécurité, essentielle pour protéger les infrastructures numériques et les données nationales face aux cybermenaces croissantes.
Des rapports d’étape réguliers sont exigés pour évaluer l’avancée de cette transformation, témoignage de l’importance accordée à ce projet au sommet de l’État.
Le Data Center national : une infrastructure clé pour la souveraineté numérique
En avril 2024, un partenariat stratégique avec Huawei Consortium a marqué une étape importante avec le lancement du Centre national algérien des services numériques. Ce Data Center, infrastructure essentielle pour centraliser et sécuriser les données nationales, se veut le pivot de la souveraineté numérique du pays.
Selon Meriem Benmouloud, Haut-commissaire à la numérisation, cette infrastructure permettra de :
- Centraliser les données nationales, jusque-là dispersées, voire hébergées à l’étranger.
- Garantir leur sécurité, dans un contexte mondial marqué par l’augmentation des cyberattaques.
- Optimiser la coordination intersectorielle, facilitant ainsi une gestion plus efficace des projets numériques.
Ce projet est une réponse directe aux critiques récurrentes sur l’absence d’un cadre technologique robuste en Algérie.
Des infrastructures télécoms en pleine expansion
Pour soutenir cette transformation numérique, le gouvernement algérien a massivement investi dans le secteur des télécommunications. Les avancées sont notables :
- 200 000 km de fibre optique ont été déployés à travers le territoire national.
- 6 millions de foyers bénéficient désormais d’une connexion Internet fixe.
- Le débit Internet moyen a été porté à 10,8 mégabits par seconde, un progrès significatif.
- La capacité de bande passante internationale a atteint 9,8 térabits par seconde.
Ces investissements témoignent d’une volonté de réduire la fracture numérique, bien que des disparités persistent entre les zones urbaines et rurales.
Des répercussions dans tous les secteurs clés
Éducation et enseignement supérieur : l’exemple du programme PROGRES
Dans le domaine éducatif, la numérisation a donné naissance à 60 plateformes numériques et au progiciel de gestion intégré PROGRES, utilisé pour gérer les inscriptions et les services étudiants. Cette transition a permis une meilleure gestion administrative et une réduction des coûts.
Cependant, des défis persistent :
- La fracture numérique : Les régions rurales, souvent mal desservies, ont encore du mal à accéder à ces outils.
- Le manque de formation : De nombreux enseignants ne maîtrisent pas encore pleinement ces nouvelles technologies.
Santé : une gestion digitale pour un meilleur accès aux soins
Le ministère de la Santé a introduit une plateforme numérique nationale dédiée à la gestion des urgences médicales et au suivi du parcours patient. L’ambition à long terme est d’instaurer un dossier électronique pour chaque citoyen, améliorant ainsi la coordination entre les différents niveaux de soins.
Malgré ces avancées, des obstacles demeurent :
- Un manque d’équipements modernes dans de nombreux établissements de santé.
- Une adoption limitée des outils digitaux par le personnel médical.
Justice et finances : la transparence comme priorité
Dans le secteur judiciaire, la transformation numérique a permis d’introduire des plateformes facilitant l’accès aux services pour les citoyens. Cela inclut :
- La digitalisation des procédures judiciaires, réduisant les délais de traitement.
- Une amélioration de la transparence, essentielle dans la lutte contre la corruption.
Dans les finances, la numérisation des services bancaires vise à démocratiser les paiements électroniques et à encourager l’innovation. Toutefois, une faible adoption de ces technologies par la population, souvent liée à un manque de confiance, reste un défi.
Les défis structurels d’une transition numérique réussie
Malgré des progrès notables, la transformation numérique en Algérie fait face à plusieurs défis structurels :
- Un manque de compétences spécialisées : Le pays souffre d’un déficit de talents capables de concevoir, déployer et gérer des infrastructures numériques complexes.
- Inégalités d’accès : Si les grandes villes bénéficient des nouvelles infrastructures, les régions rurales continuent de souffrir d’un accès limité à Internet et aux services numériques.
- Une résistance au changement : La culture bureaucratique persistante freine l’adoption rapide des réformes.
- Des cybermenaces croissantes : Avec la numérisation accrue, la cybersécurité devient un enjeu critique.
Une opportunité économique majeure pour diversifier l’économie
Au-delà des services publics, la numérisation offre un potentiel considérable pour l’économie algérienne, encore largement dépendante des hydrocarbures. En soutenant l’entrepreneuriat technologique, le pays pourrait créer un écosystème innovant et compétitif.
Les startups algériennes spécialisées dans les technologies numériques pourraient jouer un rôle clé dans cette transition, à condition de bénéficier d’un soutien renforcé :
- Accès au financement pour les jeunes entrepreneurs.
- Création de hubs technologiques pour favoriser l’émergence d’une culture numérique.
- Développement de partenariats internationaux, notamment avec des pays leaders dans le domaine.
Une révolution nécessaire pour lutter contre la corruption
L’une des ambitions centrales de cette transformation numérique est de réduire la corruption, un fléau endémique en Algérie. En digitalisant les services publics, le gouvernement espère :
- Tracer les transactions financières, limitant ainsi les risques de détournements.
- Réduire les interactions humaines dans les processus administratifs, sources potentielles de pratiques illicites.
- Accroître la transparence, grâce à des plateformes accessibles et consultables par les citoyens.
L’Algérie face au défi de la transformation numérique
La transformation numérique représente une opportunité historique pour l’Algérie. En modernisant ses institutions et en renforçant la transparence, le pays peut améliorer significativement la qualité de vie de ses citoyens et attirer des investisseurs étrangers.
Cependant, cette transition nécessite des investissements massifs, un engagement politique durable et une volonté de surmonter les résistances institutionnelles.
Alors que l’année 2025 approche, l’avenir numérique de l’Algérie reste à écrire. Si les défis sont nombreux, les fondations posées aujourd’hui pourraient faire de ce pays un acteur incontournable du numérique dans la région. Mais pour cela, le gouvernement devra transformer cette ambition en réalité tangible, pour éviter que cette révolution digitale ne reste qu’un simple slogan politique.