Algérie : La hausse des taxes sur le chiffre d’affaires des entreprises, une mesure controversée ?

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Algérie : La hausse des taxes sur le chiffre d’affaires des entreprises, une mesure controversée ?

La Loi de finances 2025, entrée en vigueur le 1ᵉʳ janvier, apporte son lot de modifications fiscales, avec notamment la hausse de deux taxes majeures : la taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire et celle de solidarité prélevée sur les importations. Ces augmentations suscitent des débats sur leur impact économique, particulièrement pour les entreprises des secteurs médiatiques et commerciaux, déjà fragilisées par un contexte économique tendu.

Hausse de la taxe publicitaire : un coup dur pour les médias

Une charge supplémentaire pour un secteur en difficulté
La taxe sur le chiffre d’affaires publicitaire passe de 1 % à 2 %, une augmentation significative qui frappe directement les entreprises médiatiques. Déjà confrontées à une baisse des recettes publicitaires, ces entreprises doivent désormais supporter une charge fiscale supplémentaire, représentant jusqu’à 70 % de leur chiffre d’affaires.
Le produit de cette taxe est redistribué comme suit :

  • 50 % au budget de l’État ;
  • 25 % au Fonds national pour le développement de la technique et de l’industrie cinématographiques ;
  • 25 % au Fonds d’aide à la presse écrite, audiovisuelle et électronique.
    Bien que cette redistribution vise à soutenir certains secteurs, elle alourdit davantage les coûts des entreprises médiatiques, mettant en péril leur viabilité dans un marché en crise.

Le marché publicitaire algérien en déclin
La crise économique et la montée du numérique ont réduit drastiquement les budgets publicitaires en Algérie. Les entreprises médiatiques, dépendantes de ces revenus, peinent à couvrir leurs coûts opérationnels. Cette nouvelle taxe pourrait inciter certaines d’entre elles à réduire leurs effectifs ou à cesser leurs activités, affaiblissant encore un secteur essentiel à la démocratie et à l’information publique.

Taxe de solidarité sur les importations : un impact direct sur les consommateurs

Une augmentation répercutée sur les prix
La taxe de solidarité sur les importations, introduite en 2018, voit son taux passer de 2 % à 3 %. Cette mesure, bien qu’elle vise à augmenter les recettes fiscales, risque d’avoir une conséquence immédiate : la hausse des prix des produits importés.
Les importateurs, confrontés à des coûts supplémentaires, répercuteront inévitablement cette charge sur les consommateurs. Cela pourrait aggraver le pouvoir d’achat des ménages, déjà érodé par l’inflation et la dévaluation de la monnaie nationale.

Une dépendance persistante aux produits importés
L’Algérie reste fortement dépendante des importations pour répondre à la demande en produits de consommation courante, malgré des efforts pour diversifier l’économie. Cette hausse de la taxe pourrait décourager les importateurs, mais aussi alimenter le marché informel, où les produits échappent aux taxes et aux réglementations.

Des mesures pour lutter contre le marché informel, mais sont-elles suffisantes ?

L’obligation des paiements bancaires : un pas dans la bonne direction
Pour réduire le marché informel, la Loi de finances 2025 instaure l’obligation d’utiliser des moyens de paiement électroniques ou bancaires pour certaines transactions, comme l’achat de véhicules, d’immobilier ou d’équipements industriels. Cette mesure vise à tracer les flux financiers et à limiter le blanchiment d’argent.
Cependant, ces dispositions restent limitées. Le marché informel en Algérie, estimé à près de 50 % de l’économie nationale, englobe une multitude d’activités non concernées par ces mesures.

Une réforme fiscale attendue
Les experts estiment que la clé pour réduire le marché informel réside dans une réforme fiscale globale. Cela inclut une réduction des charges fiscales sur les activités formelles, pour inciter les acteurs du secteur informel à intégrer la sphère légale. La hausse des taxes, en revanche, pourrait avoir l’effet inverse, en dissuadant les entreprises de se formaliser.

Un retour déguisé de la TAP (Taxe sur l’activité professionnelle) ?

Une fiscalité étouffante pour certaines entreprises
Bien que la Loi de finances 2024 ait supprimé la TAP, la hausse des taxes sur le chiffre d’affaires est perçue par beaucoup comme un retour déguisé de cette taxe. Les entreprises, qu’elles soient bénéficiaires ou déficitaires, doivent s’en acquitter, ce qui alourdit leur charge fiscale et réduit leur compétitivité.
Cette stratégie fiscale, axée sur une augmentation des prélèvements, contraste avec les recommandations internationales qui privilégient l’élargissement de l’assiette fiscale et la réduction des taux pour stimuler l’investissement et la croissance.

L’enjeu des recettes fiscales : entre nécessité et répercussions

Une recherche de nouvelles ressources fiscales
Face à une économie marquée par la dépendance aux hydrocarbures et un déficit budgétaire croissant, le gouvernement cherche à diversifier ses sources de revenus. Les augmentations de taxes visent à compenser cette dépendance, mais elles risquent de freiner la reprise économique et d’accentuer les inégalités.

Les limites de cette stratégie
Cette politique fiscale risque de se heurter à des limites structurelles. Une fiscalité trop lourde décourage les investissements, pousse certaines entreprises à l’informalité, et aggrave la pression sur les consommateurs. Une réforme plus audacieuse, axée sur une simplification des taxes et un élargissement de la base fiscale, apparaît indispensable pour répondre aux défis économiques actuels.

Un équilibre à trouver entre fiscalité et compétitivité

La Loi de finances 2025 reflète les efforts du gouvernement algérien pour augmenter les recettes fiscales dans un contexte économique difficile. Toutefois, la hausse des taxes sur la publicité et les importations soulève des inquiétudes sur leurs impacts économiques et sociaux.
Pour garantir une relance durable, l’Algérie devra repenser sa politique fiscale, en favorisant des mesures incitatives pour les entreprises formelles, en élargissant l’assiette fiscale, et en s’attaquant plus efficacement au marché informel. L’équilibre entre justice fiscale et compétitivité économique reste le défi central pour les années à venir.

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