Crise diplomatique : L’Algérie convoque l’ambassadeur de France et hausse le ton

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Crise diplomatique : L’Algérie convoque l’ambassadeur de France et hausse le ton

Rien ne va plus entre Alger et Paris. L’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, a été convoqué pour la deuxième fois en un mois, un fait inédit dans l’histoire des relations entre les deux pays. Cette nouvelle escalade diplomatique intervient après la dénonciation par l’Algérie de traitements jugés « provocateurs » et « dégradants » infligés aux ressortissants algériens dans les aéroports français.

Dans un contexte de tensions exacerbées par les affaires Boualem Sansal, des influenceurs algériens arrêtés en France, et la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, cette convocation marque une aggravation majeure de la crise entre les deux pays.

Une convocation inédite et une dénonciation sans appel

Un diplomate sous pression

Le mardi 28 janvier, Stéphane Romatet a été convoqué par le secrétaire d’État chargé de la communauté nationale à l’étranger, Sofiane Chaib, sur ordre du ministère des Affaires étrangères algérien. L’objet de cette convocation ? Une protestation officielle contre les mauvais traitements subis par des Algériens à l’aéroport Charles-de-Gaulle et Orly.

Selon la diplomatie algérienne, plusieurs témoignages font état de « pratiques discriminatoires, humiliantes et provocatrices » à l’encontre des voyageurs algériens, confrontés à des contrôles d’identité jugés excessifs, des files d’attente interminables et des fouilles particulièrement intrusives.

Une condamnation ferme de l’Algérie

Le gouvernement algérien ne mâche pas ses mots. Dans son communiqué, le ministère des Affaires étrangères parle de pratiques « inadmissibles » qui « déshonorent le gouvernement français ». L’Algérie rejette catégoriquement « toute atteinte à la dignité de ses citoyens » et refuse que ces derniers soient utilisés comme « levier de pression » dans la crise politique qui l’oppose à Paris.

Le message est clair : Alger exige des mesures immédiates pour mettre fin à ces « agissements inacceptables ».

Des tensions accumulées : le conflit algéro-français au bord de la rupture

La crise la plus grave depuis l’indépendance

Les tensions entre la France et l’Algérie ont atteint un niveau critique, au point que certains observateurs la qualifient de plus grave crise diplomatique depuis 1962.

Depuis plusieurs mois, une série de différends alimente l’escalade :

  • Le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris en juillet 2024, après la reconnaissance par la France de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
  • L’affaire Boualem Sansal, écrivain franco-algérien arrêté en novembre à Alger, qui a suscité l’ire des autorités françaises et de l’extrême-droite.
  • Les révélations sur les ingérences françaises en Algérie, notamment la manipulation présumée d’anciens terroristes par les services français, dévoilée par la télévision algérienne.
  • L’expulsion refusée par Alger d’un influenceur algérien arrêté en France, qui a mis en échec la stratégie du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Face à ces événements, l’Algérie a progressivement durci le ton, refusant toute ingérence dans ses affaires internes et dénonçant ce qu’elle considère comme une hostilité croissante des cercles politiques français à son encontre.

Une instrumentalisation politique en France ?

L’extrême-droite souffle sur les braises

La tension est également alimentée par une rhétorique anti-algérienne de plus en plus agressive en France, notamment au sein de l’extrême-droite et de la droite dure. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, a accusé l’Algérie de chercher à « humilier la France », tandis que plusieurs figures politiques appellent à durcir le ton contre Alger.

Le traitement réservé aux voyageurs algériens à Paris s’inscrit dans ce climat délétère. Certains y voient une stratégie visant à pousser l’Algérie à la faute, en espérant une réaction qui justifierait de nouvelles mesures de rétorsion.

Un conflit qui affaiblit Macron

Le président Emmanuel Macron, déjà fragilisé sur le plan intérieur, se retrouve pris entre deux feux. D’un côté, il tente d’apaiser la situation avec Alger, notamment en évitant une rupture économique ou sécuritaire. De l’autre, il subit la pression des milieux conservateurs et des partisans d’une ligne dure face à l’Algérie.

Sa récente déclaration accusant l’Algérie de se « déshonorer » en maintenant Boualem Sansal en détention a encore envenimé les relations, rendant tout dialogue plus difficile.

Quelles conséquences pour les relations algéro-françaises ?

Un divorce diplomatique en marche ?

Si la crise se poursuit, les répercussions pourraient être lourdes. Plusieurs scénarios sont sur la table :

  • Un gel des relations diplomatiques avec la non-nomination d’un nouvel ambassadeur algérien à Paris.
  • Un durcissement des conditions de délivrance des visas pour les Français souhaitant se rendre en Algérie.
  • Un possible rapprochement stratégique de l’Algérie avec d’autres puissances, comme la Chine, la Russie ou encore la Turquie, aux dépens des intérêts français.

L’impact économique : un danger pour la France

La France reste l’un des principaux partenaires économiques de l’Algérie, mais cette crise pourrait remettre en question plusieurs accords commerciaux et industriels. Déjà, l’Algérie a entamé un recentrage de ses partenariats, privilégiant l’Italie et l’Espagne dans plusieurs secteurs-clés comme l’énergie et l’agriculture.

Si la rupture diplomatique venait à se concrétiser, les entreprises françaises risqueraient de perdre un marché stratégique, tandis que les échanges commerciaux entre les deux pays pourraient connaître un ralentissement significatif.

Un point de non-retour ?

La double convocation de l’ambassadeur de France en Algérie en l’espace d’un mois illustre la profondeur de la crise qui secoue les relations algéro-françaises.

Au-delà des tensions immédiates, ce bras de fer témoigne d’un changement structurel dans les rapports entre Alger et Paris. Longtemps perçue comme un partenaire privilégié en Afrique du Nord, la France voit son influence s’éroder face à une Algérie qui affirme de plus en plus son indépendance et son refus de toute ingérence.

La suite des événements dépendra de la capacité des deux pays à renouer le dialogue. Mais pour l’instant, tout indique que la fracture ne fera que s’élargir dans les mois à venir.

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