Les élections législatives françaises pour la 9ᵉ circonscription des Français de l’étranger, qui couvre l’Afrique du Nord et de l’Ouest, ont pris un tournant inattendu. En cause : une rivalité sous-jacente entre l’Algérie et le Maroc, exacerbée par les prises de position des candidats et l’implication des médias des deux pays. La République En Marche (LREM), le parti du président Emmanuel Macron, a été au centre d’une polémique en raison de ses choix fluctuants de candidats. Retour sur une campagne marquée par des accusations de parachutage, d’opportunisme et d’interférences nationalistes.
Le duel entre Leila Aïchi et M’jid El Guerrab : des candidatures sous tension
Leila Aïchi : une sénatrice controversée
Leila Aïchi, sénatrice de Paris d’origine algérienne et membre du MoDem, s’est vue investie par LREM dans cette circonscription avant que son soutien ne lui soit retiré. Ce retrait fait suite à une campagne de pression menée par des médias marocains en raison de ses positions jugées pro-Polisario. Lors d’un colloque en 2013, Mme Aïchi avait dénoncé l’alignement de la France sur la politique marocaine au Sahara occidental, une déclaration qui lui a valu une hostilité persistante de la part des milieux favorables au Maroc.
Face à cette controverse, Mme Aïchi a tenté de clarifier sa position dans un communiqué, affirmant son indépendance et soutenant une solution conforme aux résolutions des Nations unies. Cependant, cela n’a pas suffi à calmer les critiques. Le Cercle Eugène Delacroix, un groupe d’élus français proches du Maroc, a vivement dénoncé sa candidature, qualifiant son engagement de « campagne honteuse de calomnie ».
M’jid El Guerrab : un opportuniste ou un loyal soutien à Macron ?
M’jid El Guerrab, communicant d’origine marocaine ayant quitté le Parti socialiste en 2016 pour rejoindre LREM, s’est imposé comme le candidat de facto du mouvement. Bien qu’il n’ait pas été officiellement investi, LREM a déclaré qu’il était « compatible avec les valeurs du mouvement » et a appelé à voter pour lui. Actif au sein du comité de Casablanca lors de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron, El Guerrab a organisé des événements pour mobiliser les électeurs, mais son engagement récent soulève des accusations d’opportunisme.
Ses détracteurs, notamment Boris Faure, secrétaire de la Fédération des Français de l’étranger du PS, le qualifient de « girouette politique ». M. El Guerrab avait en effet initialement proposé sa candidature dans cette circonscription sous l’étiquette PS avant de rejoindre LREM, ce qui alimente les critiques sur son manque de constance.
Une circonscription stratégique : la 9ᵉ au cœur des rivalités
Un enjeu électoral et géopolitique
La 9ᵉ circonscription des Français de l’étranger, qui inclut l’Afrique du Nord et de l’Ouest, est particulièrement stratégique. Elle regroupe une forte communauté de Français d’origine algérienne et marocaine, dont les enjeux identitaires et les affiliations politiques influencent les dynamiques électorales. Cette circonscription devient un théâtre où les rivalités historiques entre l’Algérie et le Maroc se jouent sur la scène politique française.
Les médias marocains ont vivement critiqué Mme Aïchi, tandis que des associations algériennes ont dénoncé les attaques qu’elle a subies, perçues comme une tentative de marginaliser les positions favorables au Polisario. Ces polémiques illustrent à quel point les différends autour du Sahara occidental continuent d’alimenter les tensions entre les deux pays, même au-delà de leurs frontières respectives.
Le rôle des médias et des réseaux d’influence
Les médias jouent un rôle crucial dans cette élection. Des organes de presse marocains ont mené une campagne virulente contre Mme Aïchi, tandis que des médias algériens ont apporté leur soutien à la sénatrice. Les réseaux d’influence, tant marocains qu’algériens, se mobilisent pour défendre leurs intérêts dans une circonscription où les questions identitaires et géopolitiques se mêlent aux enjeux électoraux.
Le rôle de La République En Marche : une gestion contestée
Une communication confuse
LREM, bien que réputé pour sa discipline et son organisation, a montré des failles dans la gestion de cette circonscription. Le retrait du soutien à Mme Aïchi, suivi de l’absence d’une investiture officielle pour M. El Guerrab, a semé la confusion. Cette hésitation a été perçue par beaucoup comme une capitulation face à des pressions externes, en particulier celles des lobbies pro-marocains.
Les conséquences sur l’image du parti
Cette gestion chaotique a terni l’image de LREM, donnant l’impression que le parti est influencé par des considérations géopolitiques au détriment de ses propres principes. Cela pourrait affaiblir la mobilisation des électeurs dans une circonscription où la participation est déjà historiquement basse.
Les répercussions pour la diaspora franco-maghrébine
Un sentiment de division
Pour les Franco-Algériens et Franco-Marocains de cette circonscription, cette campagne électorale a exacerbé un sentiment de division. Les rivalités nationales se sont exportées dans un espace qui devrait être avant tout dédié aux préoccupations des Français résidant à l’étranger, comme l’éducation, la fiscalité et les services consulaires.
Un impact sur la représentation politique
Les polémiques autour des candidats pourraient également décourager une partie de la diaspora de s’engager politiquement. Les attaques ad hominem et les accusations de double loyauté risquent de renforcer la méfiance envers les institutions politiques françaises et d’éroder la confiance dans le processus électoral.
Perspectives et leçons à tirer
La nécessité d’une approche inclusive
Cette élection souligne la nécessité pour les partis politiques français d’adopter une approche plus inclusive dans leur gestion des candidatures. Les Franco-Maghrébins, qu’ils soient d’origine algérienne ou marocaine, ne doivent pas être perçus uniquement à travers le prisme des rivalités nationales. Une telle vision réduit leur contribution à des enjeux géopolitiques, au lieu de valoriser leur rôle en tant que citoyens français à part entière.
Renforcer la transparence et la communication
LREM doit tirer des leçons de cette élection en renforçant sa transparence et sa communication. Une meilleure gestion des investitures et une prise de position claire sur les enjeux de la circonscription pourraient prévenir de futures controverses.
Conclusion : une campagne électorale sous haute tension
La 9ᵉ circonscription des Français de l’étranger s’est transformée en un terrain d’affrontement géopolitique entre l’Algérie et le Maroc. Les rivalités historiques entre ces deux nations ont trouvé un écho dans les polémiques entourant les candidatures de Leila Aïchi et M’jid El Guerrab. Alors que les élections approchent, il est essentiel de recentrer le débat sur les préoccupations des Français résidant dans cette région stratégique. Les leçons tirées de cette campagne pourraient aider à apaiser les tensions et à renforcer la représentation politique des diasporas maghrébines en France.